Mody Niang : « …le coût (du Ter) peut grimper jusqu’à deux mille milliards »

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Le doyen Mody Niang n’a pu s’empêcher de prendre sa plume après la forte pluie qui s’est abattue sur Dakar. Occasion pour lui de regretter les investissements de luxe comme le Ter. Un tronçon de 34 kilomètres qui, d’après lui, non seulement ne sera pas livré à date indiquée, mais pourrait connaître un renchérissement de son coût, l’entreprise Eiffage ayant compris, selon lui, qu’elle tient le bon bout de la corde.
Voici le texte in extenso 
Cette vidéo montre Dakar et sa banlieue dans les eaux, plutôt que sous les eaux, comme on le lit parfois çà et là. Dakar ou une autre ville sous les eaux, ce serait la catastrophe.
Donc, Dakar, comme sa banlieue et de nombreuses autres localités du pays, sont dans les eaux.
Dakar, la digne capitale de « l’émergence », qui attend que soit mis en route son TER, qui nous aura coûté les yeux de la tête : prés de mille milliard de francs CFA, pour une longueur de 34 kilomètres. Il a été « inauguré » par le président-politicien le 19 janvier 2019, à un peu plus d’un mois de l’élection présidentielle. Les travaux sont arrêtés depuis lors, et on nous annonce la mise en circulation pour décembre prochain. Il nous aura encore coûté d’ici là beaucoup d’argent, car l’entreprise EIFFAGE qui effectue les travaux sait qu’elle tient le bon bout. Elle mettra sûrement la pression sur le président-politicien qui tient à avoir son « joyau » avant l’année 2020. Ce qui est une véritable gageure  car il ne reste que quatre maigres mois.
Les techniciens les plus sérieux estiment que, finalement, le coût peut grimper jusqu’à mille milliards 500 millions, peut-être à deux mille milliards de francs CFA, pour 34 kilomètres.
Les mêmes techniciens sont formels : avec autant d’argent, on pourrait construire le chemin de fer Dakar-Ziguinchor, ou réhabiliter/rénover les lignes de Dakar-Saint-Louis, Dakar-Diourbel-Kaolack-Tamba, Louga-Linguère, sans oublier l’embranchement Kaolack-Guinguinéo.
On commencerait par rénover totalement Thiès-Dakar et construirait une gare moderne à Diamniadio, d’où partirait une ligne qui joindrait l’AIBD.
On reconstruirait le dépôt de Thiès, qui pourrait bien redevenir la « Capitale du Rail ». De Thiès, partiraient alors tous les travaux de reconstruction ou de réhabilitation de chemins de fer abandonnés depuis des décennies par nos autorités, sur injonction de la Banque mondiale et du FMI. Cette grosse faute nous a déjà coûté un grand retard par rapport à de nombreux autres pays.
Avec des autorités dignes de la fonction, nous pourrions gagner beaucoup d’argent avec l’exploitation de notre pétrole et de notre gaz. Nous pourrions alors construire un chemin de fer qui irait de Saint-Louis à Tambacounda, en passant par Dagana, Podor, Matam,  Bakel. Naturellement, le chemin de fer Dakar-Bamako sera bien avant rénové.
Je suis un profane dans les questions que j’aborde ici. J’ai bien le droit de me laisser aller à des rêves, mais à des rêves bien réalistes. Pas seulement d’ailleurs : j »échange avec des techniciens de haut niveau.
Nous devons changer l’orientation de nos investissements et les diriger vers le développement du pays plutôt que vers des infrastructures de prestige, dont le seul objectif est de frapper l’imagination de nos pauvres populations analphabètes, et même des autres qui manquent notoirement de capacité de faire la part entre la bonne graine et l’ivraie.
Avec les nombreuses autres priorités qui nous assaillent de partout, le président-politicien n’aurait jamais dû penser à ce TER. Il ne s’est sûrement pas inspiré de l’adage walaf selon lequel « ku sa ab sér jotul, doo boot ay gàmb ». Pour mes compatriotes qui ne comprennent pas la langue de Kocc Barma, ce sage adage pourrait se traduire ainsi : « Quand on n’a de la peine à assurer l’essentiel, on ne devrait pas se permettre de consacrer le peu qu’on a au dérisoire. »
C’est exactement ce qui est arrivé à notre président-politicien, avec son  fameux TER et bien d’autres infrastructures, plus de prestige que de développement.
Ce président-politicien nous prend vraiment pour des moins que rien. Un à deux ans avant l’élection présidentielle du 24 février 2019, il passait le plus clair de son temps à poser des premières pierres et à « inaugurer » des infrastructures. Qui l’a vu ou seulement entendu qu’il posait un seul de ces actes politiciens après sa réélection ? Et de la tonitruante Délégation à l’entrepreneuriat rapide ? Que sont devenus ses milliards qu’il distribuait avec une facilité déconcertante ? J’ai appris qu’elle va être réformée, pour devenir un guichet unique. Manière d’expliquer son silence de six mois. Combien d’établissements financiers sont aujourd’hui à même de faire le travail pour lequel elle a été créée ?
Ces temps derniers, il nous est apparu comme s’il débutait son premier mandat, en étalant au grand jour les tares de sa gouvernance de sept ans, tares dont il est le seul responsable.
Cet homme peut tout se permettre avec nous. Il nous sait passifs, indolents, amorphes, prêts à avaler toutes ses couleuvres.
Malgré les difficultés que nous vivons et qui sont pour l’essentiel de son fait, si des élections étaient organisées, ces jours-ci, sur l’ensemble du territoire national ou seulement dans quelques localités, lui ou sa coalition pourrait les gagner haut la main. Et ce sont les plus fatigués de nos compatriotes qui leur donneraient les suffrages les plus importants. Ils se recruteraient  dans la grande banlieue de Dakar, à Kaolack, à Kaffrine, à Matam et dans de nombreuses autres localités où les populations vivent le martyre.
Voilà le Sénégal, notre pauvre pays.
Dakar, le 23 août 2019
MODY NIANG

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