Un tableau de Soulages ayant appartenu à Léopold Sédar Senghor mis aux enchères

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Un tableau du maître du noir, Pierre Soulages, va être mis en vente samedi à Caen. Il avait été acquis par Léopold Sédar Senghor lors d’une visite de l’atelier de l’artiste à Paris en 1956. Le poète et ancien président du Sénégal était un immense admirateur de l’œuvre du peintre et graveur français.

Un grand nom de la peinture contemporaine, une figure littéraire et politique de tout premier plan : c’est le cocktail gagnant de cette vente aux enchères organisée samedi 23 janvier en Normandie. Un lumineux tableau de Pierre Soulages ayant appartenu au poète et ancien président du Sénégal Léopold Sédar Senghor va en effet être mis en vente à Caen.

Cette huile sur toile abstraite constituée de larges traits noirs, faisant penser à une sorte de totem asymétrique, sur un fond jaune presque doré, est estimée « de 800 000 à un million d’euros », précise l’hôtel des ventes, Caen enchères.

L’œuvre, intitulée « Peinture 81 x 60 cm, 3 décembre 1956 », avait été acquise par Léopold Sédar Senghor cette année-là lors d’une visite de l’atelier de l’artiste à Paris, rappelle Caen enchères. Soulages en réalisa un très similaire un mois plus tard, selon la même source.

Des acheteurs potentiels étrangers de Suisse et d’Allemagne se sont déjà manifestés, a précisé l’hôtel des ventes lors d’une conférence de presse jeudi.

La légataire de l’œuvre, qui souhaite rester anonyme, est une amie de la sœur de l’épouse du poète décédé en 2001. Disparue à son tour en 2019, Colette Senghor avait légué le tableau à sa sœur décédée un an plus tard.

Avant l’outrenoir

Longtemps accrochée dans le bureau de Léopold Sédar Senghor à Verson, près de Caen, où le couple a vécu à partir des années 1980, l’œuvre est caractéristique du travail du peintre dans les années 1950, avant qu’il passe à l’outrenoir, cet univers imaginé par Soulages en 1979 lorsqu’il a pris le virage du noir complet.

« On commence à trouver ce travail très important sur la matière noire » tantôt épaisse, tantôt translucide, « en larges aplats horizontaux et verticaux », et sur le contraste avec ici « un fond très lumineux », a expliqué à l’AFP Me Solène Lainé, commissaire-priseur.

« J’emploie aussi des outils qui à l’origine ne sont pas faits pour la peinture (…), racloirs, longues lames de bois ou de cuir », pour « d’un seul geste (…), étaler une grande surface », expliquait Pierre Soulages dans un entretien radiophonique en 1965 rediffusé sur France culture en 2019.

Cette année-là, un Soulages a atteint 9,6 millions d’euros (frais compris) aux enchères à Paris.

« Un coup qui me fit vaciller »

L’ancien président sénégalais était un fervent admirateur du peintre aujourd’hui âgé de 101 ans, considéré comme le plus grand artiste français vivant.

« La première fois que je vis un tableau de Pierre Soulages, ce fut un choc. Je reçus au creux de l’estomac un coup qui me fit vaciller, comme le boxeur touché qui soudain s’abîme », écrit le premier Africain devenu académicien dans « Lettres nouvelles » (1958).

« Les peintures de Soulages me rappellent toujours les peintures, voire les sculptures négro-africaines », ajoute le chantre de la négritude, mouvement pour la défense des valeurs culturelles du monde noir qu’il a inventé avec l’Antillais Aimé Césaire.

En 1974, dans un discours d’inauguration à une exposition Soulages à Dakar, le président sénégalais salua son art, « frère de l’art négro-africain non par imitation mais par nature ».

« Le noir a sa lumière et sa douceur », avait souligné le poète en 1960 dans un article intitulé « La poésie de Pierre Soulages ». « Pour les peintres négro-africains de la tradition, c’est le noir qui naturellement exprime la vie, tandis que le blanc exprime la Mort », ajoutait-il.

Avec AFP

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