Macron et les Présidents du G5-Sahel : Cette ‘’invitation-convocation’’ va raviver le sentiment anti-français
Soumis aux pressions de son opinion publique et à celle d’une frange de son opposition, le Président français, Emmanuel Macron, a cru devoir bien faire en ‘invitant’’, d’une façon ferme, ses homologues africains du G5-Sahel à Pau, le 16 décembre prochain, dans le sud de la France, pour qu’ils se prononcent d’une façon claire sur leur positions à propos de la présence des militaires de son pays au Sahel.
Depuis Londres, au sommet de l’Otan, le Président français a utilisé un ton jugé ‘’d’une rare fermeté’’ par la presse française. D’ailleurs, pour une bonne partie de celle-ci, il s’agit plutôt d’une ‘convocation’’.
Cette attitude du Président français est gênante. Elle rappelle la Françafriquequ’il a voulu enterrer. Elle est pleine de condescendance, de suffisance, de sentiment de supériorité, d’agacement envers des partenaires traités, ici, comme des gouverneurs de régions.
Neuf jours après la mort accidentelle de 13 soldats français au Mali, on avait compris d’ailleurs qu’un ressort s’était cassé, que l’opération Barkane ne sera plus exactement la même.
Macron souhaite avoir une demande officielle de la part de ses pairs de rester. Or, ce qu’il oublie, c’est que ces Chefs d’Etat du Sahel n’ont jamais désapprouvé vraiment, officiellement, cette présence. Le sentiment anti-français dont on parle est né au sein de la population et d’une certaine élite. Et, à ce propos, les Chefs d’Etat n’y peuvent rien.
Ce qui se passe, c’est que depuis de longs mois, les Français ont toujours souhaité reconsidérer leur intervention au Mali, trop coûteuse humainement et financièrement. Ils ont lancé de multiples appels à l’endroit de leurs homologues européens, les Nations-unies et autres pour leur meilleure implication à travers, par exemple, le financement de la force du G5-Sahel que se partagent la Mauritanie, le Mali, le Bukina, le Niger et le Tchad.
La France n’en peut plus d’être seule à assumer son intervention alors que les forces onusiennes sont sur place. J’avoue n’avoir jamais compris cette non-intégration des forces françaises dans le contingent onusien.
Bref, la France rêvait de voir le G5-Sahel prendre la relève sous son appui qui se fera autre que par la présence prolongée de son contingent.
Malheureusement, les choses trainent. Même si l’Allemagne a montré des signes positifs de coopération, le combat contre le terrorisme au sahel n’est qu’à ses débuts et la lutte risque d’être longue. Donc, avec la mort tragique de 13 soldats, Macron a davantage perdu patience et a posé un acte qui montre que le soutien français à l’Afrique a un coût. Les Africains doivent se résoudre à se mettre au garde-à-vous devant l’ancienne puissance coloniale. C’est le prix de la course.
Or, c’est cela qui est dommage. Car, si les Nations-unies sont engagées au Sahel et qu’au niveau de l’UEMOA, des efforts vont être consentis pour participer à l’effort de guerre en réfléchissant par exemple à la mise en place d’une force de réaction rapide, ce qui est la seule alternative crédible, nous pensons que la France doit intégrer ses forces dans le cadre de l’Onu et éviter de se singulariser.
Car, ses multitudes forces sur le terrain ont démontré leurs limites quant à leurs capacités à faire face à un ennemi qui prend plusieurs formes à plusieurs endroits.
Le ton utilisé par Macron est pratiquement de mépris. Il rappelle Trump avec ‘’ces Etats de merdre’’qui sont incapables de se prendre en charge.
Son souci est certes de protéger ses troupes et de faire face à son opinion publique, mais la France est aussi agacée par ce sentiment hostile grandissant à son égard au sein des populations africaines.
Il est évident que les sorties des autorités italiennes l’accusant d’être à l’origine des malheurs de l’Afrique et d’autres puissants, ont fait mouche.
Nombre d’Africains, avec cette trop grande présence française à tous les niveaux, se demandent si leurs pays sont vraiment indépendants. Les connexions sont telles entre la France et les dirigeants de ses anciennes colonies que les populations ont l’impression d’assister à un deal qui les excluent.
Donc, cette invitation qui a des allures de convocation va raviver, encore, le sentiment anti-français.
On ne peut pas, en Afrique, avec toutes les armées dont le continent dispose, aller demander des appuis militaires extérieurs pour des opérations sur le sol africain. L’indépendance a un prix. La dépendance aussi.
Pour que les autres nous respectent, il faudrait que nous commencions à nous respecter.
Si nous acceptons d’être sous tutelle sécuritaire, il est normal que le Commandant en chef convoque ses subordonnés. C’est aussi simple que cela.
AssaneSamb