Pourquoi l’or plonge au plus bas depuis un an ?

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Le métal a chuté de près de 10 % en trois mois. La vitesse de retrait des investisseurs surprend. Les optimistes sont désormais peu nombreux.

« Perplexes ». Face à la descente vertigineuse des cours depuis trois mois, le mot revient dans la bouche des observateurs du marché de l’or. Moins 0,8 % en avril, -1,2 % en mai, -3,6 % en juin et, déjà, une glissade de plus de 2 % depuis le début du mois de juillet : la chute de l’or va crescendo.

A force, le métal a plongé la semaine passée à son plus bas niveau depuis un an. L’once a basculé jusqu’à 1.211 dollars, alors que le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, confirmait la remontée progressive des taux d’intérêt américains .

Vagues de ventes
La longue chute du métal précieux a été ralentie depuis vendredi par Donald Trump et ses menaces d’exacerber la guerre commerciale , voire d’enclencher une guerre des changes. Le président américain a-t-il pour autant stoppé les pessimistes de l’or dans leur élan ? Beaucoup en doutent.

« Depuis des semaines maintenant, les vagues de vente s’enchaînent sur le marché, avec pour résultat d’aggraver encore la baisse des cours », décrivent les analystes de Commerzbank. Les derniers chiffres sur les transactions du plus gros contrat à terme sur l’or qui ont été publiés par la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), le régulateur américain des dérivés de matières premières, sont éloquents. Entre le 10 et le 17 juillet, hedge funds et autres grands spéculateurs n’avaient pas autant parié sur une baisse des cours depuis au moins 2006.

L’or délaissé comme valeur refuge
Cette augmentation des positions courtes sur le Comex à New York est vue comme une mauvaise nouvelle supplémentaire pour l’or. Elle s’ajoute à une série de facteurs pesant sur le métal depuis des mois, à commencer par les taux d’intérêt américains qui montent et un dollar qui s’apprécie. La corrélation entre l’évolution du prix de l’or et celle du billet vert n’a d’ailleurs jamais été aussi forte depuis la crise financière, note Citigroup. « Si le dollar continue à grimper, l’or continuera de baisser », affirme la banque, pour qui le métal jaune se négocie davantage comme une devise.

A l’or, les investisseurs préfèrent la monnaie américaine ou les valeurs de la technologie pour placer leur argent. Mais la vitesse de leur désaffection déroute . Depuis le début de l’année, les fonds indiciels cotés adossés au métal (ETP pour Exchange Traded Products) ont été vidés : sur 28 semaines, ils accusent quinze semaines de sorties nettes de capitaux, soit plus d’un demi-milliard de dollars retirés, rapporte ETF Securities.

Pour Aneeka Gupta, son directeur associé, « l’évolution récente de l’or est déconnectée des facteurs macroéconomiques habituellement influents. Le métal n’a pas bénéficié des chiffres en hausse de l’inflation américaine ni de la montée des risques politiques. » En juin, l’inflation outre-Atlantique a en effet atteint un pic depuis plus de six ans. La statistique n’a pas fait sourciller le marché de l’or. « Habituellement, ce genre d’annonces aurait dû faire monter le cours du métal car il ne génère pas de rendement et offre donc une protection contre la perte de pouvoir d’achat », s’étonne Aneeka Gupta.

Un recul plus vif qu’anticipé
« Les inquiétudes qui entourent une escalade du conflit commercial et les craintes d’un ralentissement économique en Chine auraient dû normalement arguer en faveur de l’or, pas contre lui », enchérit-on chez Commerzbank. La baisse actuelle, en particulier depuis début juillet, qui a emmené l’once autour de 1.215 dollars paraît « énorme », abonde Olivier Daguin, gérant matières premières chez Ofi Asset Management.

« L’or a reculé plus qu’on ne l’imaginait. Nous avons cherché d’autres raisons, moins évidentes », raconte-t-il. La dépréciation du yuan en Chine et de la roupie en Inde par rapport au dollar pourrait être une explication. Selon lui, « les Chinois et les Indiens sont traditionnellement les plus gros acheteurs d’or au monde, et le repli de leur devise a pu les freiner dans leurs achats. »

Une glissade vers 1.100 dollars ?
Pour ajouter au pessimisme, les fondamentaux du marché ne jouent pas en faveur d’un sursaut des cours. Il faut s’attendre à un « surplus significatif » cette année car l’offre mondiale (production minière + recyclage) va augmenter de 3,7 %, dit Société Générale, tandis que la fabrication de bijoux devrait baisser de plus de 6 %.

De leur côté, les analystes techniques avertissent que plusieurs niveaux de soutien importants sont en train d’être cassés. Ils voient l’or décrocher vers 1.200 dollars, un plus bas depuis mars 2017. Chez BNP Paribas, les prévisions à terme sont encore plus faibles : la banque voit l’or à 1.100 dollars en moyenne en 2019.

CERTAINS PROFITERAIENT DE LA BAISSE DES COURS
Les investisseurs privés semblent se démarquer des professionnels. La plate-forme de trading de l’or pour les particuliers BullionVault indique que ses clients en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord ont quintuplé leurs achats la semaine du 9 au 13 juillet, comparé à la moyenne quotidienne sur l’année écoulée. « Ils vont à l’encontre du mouvement baissier des gérants professionnels », selon Adrian Ash, le directeur de la recherche de la Bourse en ligne.

Muryel Jacque  avec Les Echos

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