Bolsonaro élu président, le Brésil bascule à l’extrême droite

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Plus de trente ans après la fin de la dictature militaire, la jeune démocratie brésilienne a basculé dans une grande inconnue avec l’élection de son premier président d’extrême droite. Jair Bolsonaro, qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2019, a reçu dimanche 28 octobre un mandat clair avec plus de 55% des voix, devant Fernando Haddad, le candidat du Parti des travailleurs de l’ancien président Lula (45%), à l’issue d’une campagne qui a coupé en deux le plus grand pays d’Amérique latine.

Une fois installé dans le palais du Planalto à Brasilia, l’ancien capitaine de l’armée, qui a souhaité dimanche un Brésil qui soit « une grande nation, pour nous tous », aura fort à faire, après la campagne qu’il a menée au lance-flammes, pour recoller les morceaux d’un pays qui s’est fracturé profondément.

Un pays mal en point… et en plein doute

Jair Bolsonaro, 63 ans, va succéder pour quatre ans à Michel Temer. Le président sortant, qui avait remplacé à titre intérimaire Dilma Rousseff après sa destitution en 2016, se retire avec un taux d’impopularité historique et laisse un pays mal en point et en plein doute. Bolsonaro devrait se rendre à Brasilia dès mardi pour s’entretenir avec Michel Temer, ainsi que le président de la Cour suprême Dias Toffoli et le chef d’état-major des armées, le général Eduardo Villas Bôas.

Ce député, qui n’a fait voter que deux lois en vingt-sept ans dans l’hémicycle et n’était guère connu que pour ses gesticulations guerrières, arrive à la tête d’un pays de 208 millions d’habitants sans aucune expérience du pouvoir, comme ses futurs ministres.

La liste est longue des Brésiliens qui ont de quoi être inquiets de l’avenir après les déclarations agressives du candidat Bolsonaro, qui avait dit vouloir gouverner « pour la majorité, pas pour la minorité ».

Dans sa ligne de mire, pêle-mêle : les Noirs, les femmes, les membres de la communauté LGBT, mais aussi les militants de gauche, les Indiens, les membres du Mouvement des sans-terre (MST) et d’ONG, les défenseurs de l’environnement et les journalistes.

« Fortes pressions »

Les plus optimistes pensent que cet admirateur de la dictature militaire (1964-85) abandonnera sa rhétorique de campagne à l’épreuve du pouvoir. Mais d’autres le voient gouverner d’une manière bien plus idéologique que pragmatique, faisant prendre un virage vertigineux au Brésil. Leandro Gabiati, directeur du cabinet de consultants Dominium à Brasila, note :

« Il y a toujours des risques. Il est clair qu’avec ses antécédents et ses déclarations polémiques, il a attiré l’attention. »

Il ajoute :

« Il ne faut toutefois pas perdre de vue que le Brésil a une des démocraties les plus solides d’Amérique latine. »

Mais le Brésil de Bolsonaro sera sous surveillance de la communauté internationale.

Inconnue également est la direction que prendra la 8e économie mondiale sous la baguette d’un président qui avoue sa totale incompétence en la matière. Avec son « Chicago boy » Paulo Guedes, il « devra remettre l’économie en mouvement le plus rapidement possible, car il n’aura une marge que de six mois, ou un an », dit Leandro Gabiati.

Gaspard Estrada, spécialiste de l’Amérique latine à Sciences-Po, estime lui aussi que Bolsonaro « aura de très fortes pressions pour donner des résultats très rapidement, puisqu’il s’est basé sur une plateforme très radicale ». « Sur le plan économique, des privatisations, il y aura des pressions des électeurs mais aussi des marchés financiers » qui attendront beaucoup, et vite.

Congrès fragmenté

Bolsonaro aura-t-il les moyens de mettre en œuvre sa politique? C’est une autre grande inconnue. Gaspard Estrada relève :

« Il sera face au Congrès le plus fragmenté de l’Histoire. » 

Le futur président « sera tenté de prendre des mesures très dures, sans passer par le Parlement », où il aura beaucoup de mal à former une majorité. « Il sera confronté à des exigences très vite », dit Gaspard Estrada, qui « craint des dérapages dès le début de son mandat ».

Jair Bolsonaro a dit par exemple qu’il déclarerait « terroristes » les militants du MST, mais on peut redouter également « une multiplication d’actes violents avec la permission, par omission, du gouvernement Bolsonaro ». Pendant la campagne, le candidat n’a jamais condamné les violences (dont au moins un meurtre) contre des militants de gauche, se disant « non responsable » des actes de ses sympathisants.

Beaucoup craignent que la victoire, combinée au discours belliqueux de leur leader qu’ils appellent « le Mythe », ne décomplexe et déchaîne les franges les plus extrémistes et primaires de son électorat.

A Brasilia, Luisa Rodrigues Santana, étudiante, a voté pour Fernando Haddad, le candidat de gauche, dimanche, craignant qu’une élection de Bolsonaro puisse « libérer toute cette haine accumulée chez tout le monde ». « En tant que femme noire, de la communauté LGBT, j’ai peur », a-t-elle confié.

Avec AFP

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