Soudan : Béchir condamné à deux ans prison ferme pour corruption

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L’ex-président soudanais Omar el-Béchir, destitué en avril par l’armée sous la pression d’un mouvement de contestation inédit après 30 ans au pouvoir, a été condamné samedi par un tribunal de Khartoum à deux ans en centre correctionnel, pour corruption.

Il s’agit de la première décision de justice visant l’ancien homme fort du Soudan.

M. Béchir est apparu samedi matin devant le “tribunal spécial”, écoutant le verdict debout dans une cage métallique et vêtu de sa robe blanche traditionnelle et de son turban, après avoir été amené de la prison de Kober à Khartoum où il est détenu depuis son éviction du pouvoir.

Dans ce procès qui a commencé au mois d’août, et qui concerne des fonds perçus de l’Arabie saoudite, M. Béchir encourait jusqu‘à 10 ans de prison. Samedi, il a été déclaré coupable de “corruption” et “possession de devises étrangères”.

Le juge Al-Sadeq Abdelrahmane a expliqué que l’ex-président serait placé dans un centre correctionnel pour les personnes âgées, car selon la loi soudanaise, toute personne âgée de plus de 70 ans ne peut être placée en prison.

Béchir fera appel

A l’issue de l’audience qui a duré plus d’une heure et demie, l’un de ses avocats Ahmed Ibrahim a indiqué qu’il ferait appel “devant la cour d’appel et devant la haute cour”.

Le juge a également prononcé la confiscation des fonds retrouvés au domicile de M. Béchir après son arrestation en avril, soit 6,9 millions d’euros, 351.770 dollars et 5,7 millions de livres soudanaises.

Samedi matin, un important dispositif de sécurité était visible dans les rues de Khartoum pour empêcher tout débordement de violence de la part de partisans de M. Béchir, arrivé au pouvoir en 1989 par un coup d’Etat soutenu par les islamistes.

A l’extérieur du tribunal, plusieurs dizaines de partisans de l’ex-président on manifesté leur mécontentement après le verdict en scandant: “Il n’y a de dieu que Dieu”. Des centaines d’autres manifestaient aussi dans le centre-ville de Khartoum contre les nouvelles autorités.

Parallèlement, les autorités de transition ont annoncé samedi la dissolution des organisations professionnelles mises en place sous M. Béchir, conformément aux revendications du mouvement de contestation qui a obtenu en avril la chute de l’ex-dictateur.

Le Soudan est aujourd’hui dirigé par un gouvernement de transition avec un Premier ministre civil et un Conseil souverain composé de militaires et de civils.

Au cours des audiences précédentes, M. Béchir, avait assuré que l’argent n’a pas été utilisé à des fins personnelles mais sous forme de “dons”.

Selon un témoin au procès, l’ex-président aurait ainsi donné quelque cinq millions d’euros au redouté groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (RSF).

Si l’ex-président a reconnu avoir perçu un total de 90 millions de dollars (81 millions de d’euros) de la part de dirigeants saoudiens, le procès ne concerne que 25 millions de dollars (22,5 millions d’euros) reçus, peu avant sa chute, du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Le Soudan est l’un des pays les plus touchés par la corruption : il occupe la 172e place sur 180 au classement mondial de l’organisation Transparency International.

En revanche, ce premier procès n‘évoque pas les lourdes accusations portées depuis une décennie contre M. Béchir par la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis contre lui deux mandats d’arrêts pour “crimes de guerre”, “crimes contre l’humanité” et “génocide” au Darfour.

Cette province occidentale soudanaise a été le théâtre d’une guerre sanglante entre rebelles et forces pro-gouvernementales. Le conflit, qui a éclaté en 2003, a fait 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU.

Extradition ?

A ce jour, le gouvernement de transition mis en place en septembre, n’a pas autorisé l’extradition de l’ex-dirigeant à La Haye où siège la CPI.

Si le Soudan n’a pas ratifié le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, le pays a l’obligation juridique d’arrêter M. Béchir. Car l’enquête de la CPI sur les crimes au Darfour a été effectuée sous mandat de l’ONU, dont le Soudan est membre.

Les Forces pour la liberté et le changement (FFC), qui ont mené la contestation contre M. Béchir, ont dit n’avoir aucune objection à une extradition.

Outre l’affaire de corruption et les accusations devant la CPI, M. Béchir pourrait devoir répondre d’autres crimes présumés devant la justice de son pays.

Le 12 novembre, les autorités ont émis un nouveau mandat d’arrêt à son encontre pour son rôle dans le coup d’Etat de 1989, sur lequel une commission spéciale du parquet de Khartoum enquête.

Selon le procureur général, M. Béchir est aussi mis en cause pour des meurtres commis lors des manifestations ayant conduit à son éviction. A ce jour, il n’a pas eu à répondre de ces accusations.

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