Sonko du virtuel à la réalité

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Il était le candidat le plus épié. Son poids était encore limité sur les réseaux sociaux avec des avalanches de commentaires et de partages. «On ne gouverne pas un pays par les réseaux sociaux, le mensonge, la calomnie et les diatribes», avait dit Macky Sall lors de l’étape de sa campagne dans le nord.

Mais avant lui, c’est son Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, qui déclarait lors du meeting du mouvement Horizon 2020 de Moustapha Cissé Lô au stade Marius Ndiaye : «Cette mobilisation montre que nous sommes présents sur le terrain et le second mandat est déjà acquis pour le Président Macky Sall.

Cela montre que nous sommes loin des candidats virtuels et Facebook.» Mais au fil du temps, Facebook, Twitter, YouTube, WhatsApp et autres faisaient grimper Ousmane Sonko dans les «vus, commenter et partager», comme l’a expliqué de façon pertinente et éloquente d’ailleurs la Chroniqueuse du journal Le Quotidien dans sa «Loupe».

Et c’est justement ce qui explique que le candidat de Benno bokk yaakaar a finalement admis l’importance des réseaux sociaux. Et il avait même invité ses jeunes à investir la toile lors de l’installation de son directoire au siège de l’Apr de Mermoz : «En campagne, c’est un combat : on reçoit les coups, il faut savoir en donner, mais dans le cadre du combat républicain. Il ne s’agit pas d’insulter.

Mais il faut pouvoir détruire les fake news qui sont des spécialités aujourd’hui en vogue.» C’était aussi un message de contre-attaque aux hommes de Sonko qui ont une présence active et massive dans les plateformes numériques. Ça, c’était le Sonko virtuel !

Sonko, une réalité

Ousmane Sonko devient aujourd’hui une réalité politique. A l’issue de ce scrutin du 24 février et sur la base des résultats provisoires, il n’a pas usurpé ce qui semble être une troisième place derrière Idrissa Seck. A moins d’un rebondissement qui lui donnerait deuxième.

A un moment d’ailleurs, les premières tendances ne l’éloignaient pas de la seconde place, tant ses scores dans certains bureaux de vote à Dakar étaient élevés et rivalisaient avec ceux du candidat de la coalition Idy2019. Et là où il impressionne plus d’un, c’est qu’en dépit de son échappée solitaire ou son isolement, parce que n’ayant pas bénéficié de soutiens des gros calibres des recalés, Sonko a beaucoup amassé. Avec 6 millions 683 mille 043 inscrits et un taux de participation qui avoisinerait 60%, il faut admettre qu’il était difficile d’avoir même 10%, c’est-à-dire près de 400 mille voix. Et encore qu’il semble en obtenir le double, soit près de 700 mille voix.

C’est loin d’être négligeable puisque si c’était une élection des députés comme celle de 2017, il aurait pu rafler au moins une dizaine de sièges sur la base d’un quotient électoral de plus de 60 mille. Et cela, compte non tenu de ses larges victoires à Ziguinchor ou encore à Bignona et Oussouye qui réunissent 5 députés. Presque, théoriquement un groupe parlementaire. Voilà donc une idée du succès du leader de Pastef qui, il faut le dire, est en grande partie un capital individuel.

Alors que Idrissa Seck a un Khalifa Sall très fort à Dakar, comme son prédécesseur à la mairie de Dakar, Pape Diop, des soutiens massifs de leaders qui, presque tous, devraient, avec leur parrainages – validés ou invalidés – étoffer le score de Idy.

Du national aux Locales de décembre

L’on a souvent pensé que l’électorat de Sonko était théoriquement insignifiant. Objectivement, son passage au plus fort reste aux Législatives le légitimait. Mais entre-temps, il a eu une meilleure opinion, et son discours d’antisystème est passé à bien des égards, quoique les Sénégalais n’y aient pas adhéré majoritairement.

C’est dire que le candidat de Sonko Président a échoué certes dans son ambition de «c’est maintenant ou jamais», comme il le disait aux jeunes. Il n’a pu faire comme Macky Sall en prenant le pouvoir après quelques années seulement. Mais c’est aussi une donne importante qui devra confirmer son aura aux prochaines Locales. Et si cette confiance des électeurs se poursuit ou se maintient, il faudra compter avec lui pour la bataille pour le contrôle des collectivités locales, notamment dans le sud.

C’est justement tout l’enjeu pour les tenants du pouvoir qui risqueraient de perdre les mairies et conseils départementaux de Ziguinchor et Bignona ou d’Oussouye. Parce que là, c’est Abdoulaye Baldé qui semble être sanctionné pour son ralliement de dernière minute conçu comme une «trahison» par ses administrés qui ont fait de Sonko un refuge.

Au fond, le message de Ziguinchor ressemble moins à une sanction contre le pouvoir qu’à une réponse à Baldé lui même. On se rappelle d’ailleurs que lorsque le leader de l’Ucs a annoncé sa décision de soutenir le candidat de Bby, nombre de ses militants avaient rallié en masse Sonko.

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