Scandales, magouilles, corruptions : Pourquoi le Sénégal est un grand corps malade

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Senegal N’avons-nous pas le droit de nous demander si notre pays n’est pas maudit en ces temps qui courent ? La malédiction du pétrole, vécue ailleurs et souvent agitée chez nous à titre dissuasif, risque de ne pas nous épargner si l’on ne prend pas garde. Le cas Pétrotim-Aliou Sall soulevé par la BBC divise et crée des fractions inutiles au sein de la population. Au rythme où les magouilles et combines s’invitent dans notre quotidien, ce n’est pas demain la veille que le Sénégal cessera d’être un grand corps malade.

Il n’y a pas de secteurs dans ce pays où l’on ne note des mouvements d’humeur. Les travailleurs, ceux de la fonction publique notamment, vivotent et peinent à tirer leur épingle du jeu puisque disposant de maigres salaires. Pendant ce temps, une importante partie de la population active est en quête d’emploi en vain. C’est d’ailleurs ce qui explique en partie la récurrence des agressions et vols en plein jour. Au lieu que le gouvernement concentre toute son énergie à dresser des plans pour sortir le peuple de cette torpeur, le voilà devoir répondre, encore une fois, à des accusations de corruption dans le dossier du pétrole et du gaz.

Ce qu’il faut préciser d’emblée, c’est que la BBC n’a pas dit ce qui n’a déjà été dit sur la question. Des leaders d’opinion tels qu’Ousmane Sonko, les journalistes Baba Aidara, Adama Gaye et Pape Alé Niang et surtout l’ancien ministre de l’énergie Thierno Alassane Sall se sont tous érigés en lanceur d’alertes à un moment donné mais le gouvernement méprisait. L’affaire Pétrotim-Aliou Sall a été dénoncée aussi par l’opposition lors de son premier éclatement, ce qui leur avait valu une menace de plainte de la part des avocats de Frank Timis. Outre cette plainte qui n’est jamais arrivée, la radiation de l’inspecteur des impôts Ousmane Sonko est à inscrire dans ce combat. Voilà qui est suffisamment clair que les Sénégalais se sont toujours intéressés à la question. Sauf qu’en lieu et place d’éclairages, les autorités interpelées préféraient noyaient le poisson et se retrouvent aujourd’hui dans une situation inconfortable.

La manie de vouloir protéger les proches tout en cassant les opposants et le fait de fermer les yeux sur des cas avérés de détournement sont les plus grandes pandémies dont souffre ce grand corps malade qu’est devenu le Sénégal. Il est tout à fait difficile de compter le nombre de rapports d’audit internes, faits par des corps de contrôle étatiques, qui en rendent compte au chef de l’Etat. Et pourtant, que cela émane de l’inspection générale d’Etat (Ige) ou l’Office nationale de lutte contre la corruption (Ofnac), les rapports épinglant les proches du pouvoir sont toujours mis « sous le coude » de ceux qui doivent assurer la transparence dans la gestion des affaires. Le fait que le Sénégal soit ratificateur de traités pour assurer la transparence dans le secteur extractif n’est en rien un gage de sécurité pour nos ressources pétrolières et gazières. Il y a chez les hommes au pouvoir mille et un moyens de contourner les conventions établies.

Quand la question sur le pillage de nos ressources divise tout le peuple, classe politique, journalistes et société civile, c’est véritablement un signe que le Sénégal est un grand corps malade. Au lieu que tout un chacun s’attelle, pour l’intérêt de la République, à faire éclater la vérité, les acteurs préfèrent donner à l’affaire une tournure politique et non pas un dossier juridico-économique. Le débat sur « le cas Aliou Sall » ne pourra être vidé que lorsque les tenants de la République en décideront ainsi à travers des mesures fortes et impartiales contrairement à ce qui se passe présentement. La communication de l’Etat sur le dossier est absolument scandaleuse et paradoxale. Contrairement au ministre de la justice qui argue que le procureur ne va pas s’autosaisir puisque s’agissant d’une affaire entre privés, la porte parole du gouvernement lit urbi et orbi un mémorandum pour finir par annoncer que l’Etat prendra toutes les responsabilités qui s’imposent à l’endroit du média britannique. Voilà une attitude communicationnelle peu glorieuse qui dénote une certaine absence de contrôle, pour ne pas dire une panique, au sein du gouvernement. La réaction du président Sall, remettant en cause la véracité des arguments avancés par la BBC, est à inscrire dans ce cadre.

Une affaire d’Etat qui est loin de connaître son épilogue mais qui a au moins le mérite de faire jaillir la lumière sur  le dossier Timis-Sall qui donne tout l’air d’une nébuleuse. Ce serait malhonnête de se cacher derrière des théories de complots ou d’accusations infondées sans saisir la justice. Dans ce documentaire à charge diffusé par la BBC, seul Aliou Sall est capable de répondre avec des contre-arguments solides pour prouver son innocence. C’est malheureux qu’à la place, tout l’appareil étatique et une bonne partie de la presse soit mobilisée pour contrecarrer et jeter même le discrédit sur un média international qui a fini par se faire une image intéressante.

L’affaire du pétrole montre que le milieu est une véritable mafia que personne ne semble maîtriser. L’opinion est endormie comme à l’accoutumée, et les rares lanceurs d’alertes qui se signalent, sont voués aux gémonies. Et pourtant, c’est en de pareilles circonstances que le pays a plus besoin des journalistes d’investigation tels qu’Abdou Latif Coulibaly qui avait fini par faire sien le combat de la transparence dans la gestion des affaires. Aucun scandale dénoncé dans ses différents livres sous le président Wade, même pas le dossier de l’ANOCI, n’égale cette hallucinante question soulevée par le média britannique. A cause de ce silence coupable de certains leaders d’opinion, de la démission de la justice et de l’insouciance de la jeunesse innocente, on aura beau le diagnostiquer et le perfuser, le Sénégal restera un grand corps malade où tous les secteurs continueront d’évoluer dans des difficultés à n’en finir.

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