RDC : Avant de partir Kabila se garantit le marché de la sous-traitance
Pas de doute, le régime congolais a travaillé d’arrache-pied dans la dernière ligne droite avant de céder le pouvoir, histoire de conserver la mainmise sur quelques marchés juteux.
Si le gouvernement sortant du Premier ministre Tshibala a pris soin de se garantir une jolie « retraite à vie » en s’accordant des revenus, des indemnités de logement, des billets d’avion en business, etc, par arrêté ministériel après l’annonce des résultats du scrutin du 30 décembre, d’autres textes, comme cette ordonnance du 27 décembre 2018 (à trois jours du scrutin) sur la nomination des membres du conseil d’administration et de la direction générale de l’Autorité de régulation de la sous-traitance dans le secteur privé (ARSP) interpelle.
Mieux, cette ordonnance « fait passer l’arrêté sur les émoluments à venir du Premier ministre et de ses ministres, pour une blague pour petits joueurs », nous explique Jean P, patron d’une PME active dans le secteur des ressources humaines. « Ici, les enjeux peuvent rapidement se compter en dizaines de millions de dollars notamment dans le secteur minier ».
En effet, l’ARSP dans son esprit, visait à favoriser les entreprises, les entrepreneurs et le personnel congolais dans le cadre de la sous-traitance. Cette loi sur la sous-traitance n’est pas passée inaperçue dans le secteur privé et en particulier dans le monde minier, principal moteur de l’économie congolaise pour lequel elle aurait été concoctée. « Jusqu’ici, il existait un arrêté ministériel datant de 2013 qui imposait aux miniers de recourir à des sociétés de sous-traitance de droit congolais avec majorité du capital congolais, mais il n’a jamais vraiment été appliqué. C’est pour renforcer la présence des nationaux dans ce secteur que l’on a élaboré la loi », précisait au printemps 2017 un membre de la Fédération congolaise des entreprises (FEC).
« Dans le secteur minier, la sous-traitance est partout, de la fourniture de produits nécessaires à l’activité, au transport, à la gestion du personnel, le gardiennage et un tas d’autres prestations »,explique un banquier kinois qui continue en expliquant que « la loi impose de recourir à appel d’offres dès que le coût du marché est supérieur ou égal à cent millions de francs congolais (+/-55.000 dollars). C’est dire si l’organe qui sera chargé de la Régulation de la sous-traitance dans le secteur privé sera un outil, une arme, qui pourrait faciliter certaines prises de position, écarter les gêneurs et imposer les « bons » candidats. »
Tous les interlocuteurs sont d’accord sur un point : « la loi sur la sous-traitance n’est pas mauvaise mais elle n’est pas adaptée aux réalités du terrain congolais. Les entrepreneurs congolais n’ont pas les reins assez solides pour jouer dans la cours des grands acteurs internationaux qui ont créé des structures nationales mais sans que cela ne bénéficie réellement au Congo. » D’autres ajoutent : « il est pratiquement impossible d’entrer dans le secteur minier sans bons contacts politiques à haut niveau. Du coup, ce sont toujours les mêmes haut placés qui retirent les vrais bénéfices ».
L’organe de la sous-traitance avait été un peu oublié depuis le lancement de cette loi sur le secteur. Ce n’est étrangement que le 27 décembre, « vu l’urgence » que l’ordonnance sera prise et signée par le président Kabila et son Premier ministre Bruno Tshibala pour installer la direction générale et le conseil d’administration de l’Autorité de régulation de la sous-traitance dans le secteur privé (ARSP). Un organigramme dans lequel on retrouve des proches du pouvoir sortant. « Contrôler cette structure, c’est se garantir des montagnes de profits en décrochant des contrats ou en faisant pression sur ceux qui ont obtenu des contrats », explique notre spécialiste de la gestion humaine.
Couper les vivres
Le coup d’accélérateur dans la mise en place de cet organe fait inévitablement penser à une volonté pour la Kabilie de garder le contrôle sur des secteurs très rémunérateurs et, du même coup, de priver le nouveau pouvoir qui était à venir de placer ses hommes ou, mieux, des hommes nouveaux, à sa tête.
« Cela démontre que la confiance ne règne pas entre le président sortant et le nouveau venu »,continue notre banquier et d’ajouter : « en tout cas quand il s’agit de parler gros sous. Il est évident qu’il s’agit de faire en sorte que les nouveaux venus n’aient pas de marges de manœuvre possibles. Kabila ou certains de ses proches semblent être des admirateurs de Machiavel ».
Le président Tshisekedi aura-t-il le pouvoir de remettre en cause la structure de ce conseil d’administration ? « La vraie question est de savoir combien de textes pris « en urgence » seront encore découverts ? », poursuit un avocat lushois.