Rama Yade : « En matière de laïcité, la France devrait s’inspirer du Sénégal… »

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« Sa grandeur, la France la tient de son influence en Afrique », d’après Rama Yade. L’ex-secrétaire d’État chargé des Affaires étrangères et des Droits de l’Homme sous Nicolas Sarkozy, depuis Washington, s’est entretenu avec Jeune Afrique. Elle conserve ainsi, d’après nos confrères, un regard « affuté » sur les débats qui animent la campagne présidentielle française. Candidature de Zemmour, migrations, islam, rapport de la France avec l’Afrique…, elle est revenue sur les débats qui animent la campagne présidentielle française. Morceaux choisis…
Ex-aspirante à l’élection présidentielle, elle avait fini par créer son propre mouvement « La France qui ose », en 2017, mais n’était pas, selon toujours la même source, parvenue à rassembler le minimum requis de 500 parrainages d’ élus pour se présenter. Très critique envers les contradictions de la droite française dans laquelle elle s’ancre pourtant, elle a récemment fait polémique en dénonçant l’abandon de l’antiracisme dans le camp républicain ou en comparant la statue de Colbert devant l’Assemblée nationale à une “ micro-agression ».
elle est installée à Washington en tant que directrice de l’Afrique du think tank Atlantic Council. Rama Yade ne perd pas de vue les enjeux et jeux de pouvoir de l’Hexagone, et n’exclut pas de remonter sur l’anneau politique.
Présidentielle de 2022 et la candidature d’Éric Zemmour…
« Lui-même (Zemmour) dit que c’est la baisse des normes et du niveau politique. Cela fait déjà quelques années que le débat se concentre sur les migrants, nouvelle expression qui couvre les immigrés et les réfugiés, sous l’angle de la menace. A contrario, la question des banlieues, par exemple, a disparu de l’espace public. Ces évolutions et l’obsession identitaire sont la conséquence d’une impuissance politique sur tout le reste : pouvoir d’achat, réindustrialisation du pays, climat… Il profite de ce désordre pour s’imposer, en incarnant une espèce de pessimisme, sans perspectives . C’est dangereux, car ceux qui commencent par s’attaquer aux minorités finissent par s’en prendre à la démocratie », a regretté Rama Yade.
Le sujet de l’immigration…
D’après Rama Yade ; « le ‘grand remplacement’ n’existe pas. Qui représenterait la menace ? Les Africains ? On sait que l’Afrique est sous-peuplée et que les Africains migrent d’abord chez eux, à 60 % dans les pays voisins sur le continent. Ce sont des données réelles, mais cela fait trente ans qu’on répète l’inverse. À partir de ces mensonges, on élit des gens, on change la vie politique française et le destin du pays…”
S’inspirer du Sénégal…
On parle beaucoup de l’islam dans cette campagne présidentielle en France. Et à la question de savoir : Comment défendre la laïcité sans sombrer dans l’islamophobie ? Rama Yade estime qu’« en matière de laïcité, la France devrait s’inspirer du Sénégal. Dans une même famille, on peut y trouver un curé et un imam, dans un même pays un président catholique et une population majoritairement musulmane. Enfant, à Dakar, j’allais la journée à l’école catholique chez les sœurs de l’Immaculée conception et le soir à l’école coranique. Et j’ai un enfant à moitié juif. Quel autre pays que le Sénégal est capable de faire cela ?
La France-Afrique…
« Avec le recul géographique, je me rends davantage compte que l’empreinte de la France en Afrique reste forte. Je le vois dans l’attitude d’alliés, qui n’hésite pas à s’en remettre à elle quand il s’agit de certains pays du Sahel par exemple. J’observe aussi que la fameuse grandeur de la France, sa singularité, la France la tient surtout de cette influence en Afrique. Plus que je ne le pensais. C’est à la fois une force, via la francophonie notamment. Combien de pays peuvent se targuer d’un tel leg ?“, s’est-elle interrogée.
Avant de poursuivre : « Mais c’est aussi une vulnérabilité. Pourquoi les élites françaises ne font-elles pas plus pour préserver un tel atout en travaillant à gagner plus de popularité auprès des opinions ? Tous les discours électoraux qui présentent l’Afrique comme une menace sont incompréhensibles. D’autant plus que le siècle qui vient sera africain ».

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