Le dialogue national, une large concertation politique qui rassemble toutes les franges de la société sénégalaise, des partis politiques, à la société civile, en passant par les différentes confessions religieuses et les autorités coutumières du pays, a démarré ce mercredi à Dakar.
Ouverte par le Président Bassirou Diomaye cette large concertation doit durer cinq jours et devrait déboucher sur des réformes politiques majeures.
Selon le chef de l’Etat ce dialogue qui se déroule dans un contexte hors élections offre l’opportunité aux acteurs de repenser les institutions sénégalaises en s’appuyant sur les principes fondamentaux de la démocratie, le respect des libertés individuelles et collectives, ainsi que sur les réformes institutionnelles et législatives indispensables.
Bassirou Diomaye Faye a rappelé, pour insister sur la nécessité de dialoguer, les tensions politiques que son pays a connues entre 2021 et 2024.
« Des vies ont été fauchées, des familles pleurent encore leurs morts, des blessures morales attendent d’être pansées » rappelle-t-il avant d’ajouter « mon rôle en tant que garant de l’unité nationale est de tendre la main à toutes et à tous, pour rassurer, pour rassembler, pour apaiser et réconcilier afin de conforter la paix et la stabilité indispensables au développement économique de notre pays ».
Il a invité les participants à s’engager sur la voie de la réforme.
« Réformer pour la postérité, réformer pour renforcer les acquis démocratiques et garantir davantage la stabilité de nos institutions. Réformer pour expurger de notre système électoral tous les germes de dissension notamment entre pouvoir et opposition » dit-il.
Selon les termes de référence le dialogue national va s’articuler autour de trois thématiques principales. Il s’agit de :
Démocratie, libertés et droits humains
Les différents segments de la société sénégalaises qui participent à ce dialogue national parmi lesquels les partis politiques, la société civile, mais aussi d’autres acteurs dont les confréries religieuses, l’église catholiques, ainsi que les autorités coutumières et acteurs socio-culturels du pays vont débattre de la rationalisation des partis politiques, du calendrier républicain, l’encadrement du financement des partis, ainsi que la reconnaissance du statut de l’opposition et de son chef.
Processus électoral
En dehors de la démocratie et des droits humains, les participants au dialogue national sont également invités à réexaminer les aspects relatifs au parrainage pour la présidentielle.
Les nouvelles autorités envisagent également d’inscrire systématiquement les primo votants sur le fichier électoral via la délivrance de la carte d’identité biométrique CEDEAO.
La question de la digitalisation du processus électoral sera aussi traitée.

Réforme institutionnelle et gestion des élections
La note de cadrage du dialogue national mentionne le débat sur le choix du système électoral afin de s’accorder sur le système le mieux adapté au contexte sénégalais.
Le rôle et les attributions des autorités en charge de l’organisation des élections, ainsi que des médias feront également l’objet de discussion.
L’organisation du dialogue national constitue un grand moment pour les nouvelles autorités sénégalaises qui ont exprimé la volonté d’engager des « réformes profondes, transparentes et participatives pour consolider la démocratie sénégalaise ».
Il convient de rappeler que l’organisation d’un dialogue national n’est pas une première au Sénégal. Les régimes précédents avaient aussi organisé ce genre de rencontres.
Plusieurs organisations de la société civile regroupées dans un consortium dans le cadre du dialogue national ont appelé à la rationalisation des partis politiques au Sénégal.
Ces organisations ont dénoncé la « prolifération des partis politiques souvent sans base militante réelle ni fonctionnement démocratique, ce qui nuit à la lisibilité de l’offre politique et à la qualité du débat public ».
Selon le chef de l’Etat sénégalais, il y a 386 partis politiques légalement constitués et seuls 14 sont en conformité avec la législation du pays en matière de formations politiques.
De nombreux acteurs ont appelé à la révision de la loi N° 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, ainsi que l’élaboration d’une nouvelle charte des partis politiques.
Le législateur sénégalais est invité à « promouvoir une démocratie interne par l’obligation de la tenue régulière de congrès, d’élections internes et la publication de statuts » des partis politiques.
L’opposition divisée entre participation et boycott
Alors que de nombreux partis politiques dont le Parti Démocratique Sénégalais de l’ancien président Abdoulaye Wade, le Parti Socialiste de l’ancien président Abdou Diouf, la Nouvelle Responsabilité de l’ancien premier ministre Amadou Ba participent au dialogue, d’autres formations ont brillé par leur absence.
L’Alliance pour la République de Macky Sall, ancien parti au pouvoir qui avait organisé le précédent dialogue, boycotte cette concertation. L’APR dénonce une « mascarade orchestrée par le pouvoir en place, visant à consolider la position du Premier ministre au détriment des institutions républicaines et des principes démocratiques ».
Pour sa part, l’ancien maire de Dakar, Barthélémy Dias, boycotte également cette concertation. En revanche son ex mentor Khalifa Sall participe bien au dialogue national.
Thierno Alassane Sall, de la « République des Valeurs » justifie son boycott par des divergences sur la méthode ou le contenu attendu du dialogue.
Pour ce dernier, les pratiques actuelles du pouvoir sont en contradiction avec ses engagements : « parjure du Président de la République, décisions opaques, atteintes aux libertés d’expression et de presse, magouilles à l’Assemblée nationale, contre-vérités flagrantes, menaces et injures du Premier ministre face aux voix discordantes, multiples reniements » tient-il à dénoncer.