Au lendemain de l’élection présidentielle au Cameroun, le candidat Maurice Kamto a crée la surprise. Considéré comme le principal adversaire du président sortant, Paul Biya, il s’est déclaré vainqueur du scrutin avant même la proclamation officielle des résultats.

Quelques heures après ce coup de théâtre annoncé lors d’une conférence de presse à Yaoundé, cet universitaire de 65 ans a répondu aux questions de nos confrères de Libération sur les raisons de sa supposée victoire à la présidentielle.

Vous avez proclamé votre victoire aux élections présidentielles de façon anticipée, avant même que le Conseil constitutionnel ne se prononce. Pourquoi une telle hâte ?

« Nous l’avons fait sur la base d’informations fiables que nous avons déjà rassemblées. Dans la plupart des pays du monde, les résultats sont proclamés le soir même ou le lendemain du vote. Au Cameroun, le Conseil constitutionnel, dont tous les membres sont nommés par le Président, dispose de quinze jours pour le faire. Pourquoi un tel délai en 2018 alors qu’on a les moyens de compiler les résultats plus rapidement ? Nous savons qu’il y a eu des fraudes : dans le nord du pays, les communications ont été coupées entre 18 heures et 19 heures sans raison officielle. Néanmoins, avec les procès-verbaux en notre possession, j’ai la certitude d’une victoire incontestable. Pourquoi attendre ? Tout ce que je revendique, c’est l’alternance par les urnes. Je n’ai rien fait de criminel. »

« Je note que ce post fait moins de bruit que ma propre déclaration. Je n’ai pas de commentaire à faire à ce stade. Ça prouve peut-être juste que certains candidats seraient bien perçus par le pouvoir. Pour le reste, je me sens dans mon bon droit, n’en déplaise aux pleureuses et aux vierges effarouchées. Le Cameroun est un pays où on a pris, hélas, l’habitude d’attendre. Sous Paul Biya, les populations ont été «zombifiées», tétanisées. On a longtemps eu l’impression dans ce pays d’une sorte de syndrome de Stockholm, où les gens finissaient par aimer leurs bourreaux. Dans mes meetings pourtant, j’ai eu le sentiment que les gens reprenaient goût à l’espoir. Et comment peut-on croire un instant que les Camerounais seraient aujourd’hui capables de reconduire au pouvoir par les urnes un homme de 85 ans, qui a régné sans partage depuis trente-six ans, a lancé tant de chantiers dont aucun n’a été achevé, alors que tous ont même été surfacturés ? J’ai parcouru le pays pendant cette campagne, il faut voir l’état des routes, les classes avec 150 élèves, l’état sanitaire lamentable du pays… Qui a décrété que le pouvoir était octroyé à vie ? C’est pourtant ce que vient d’affirmer un lieutenant du Biya en déclarant qu’un chef bantou meurt au pouvoir. Et ça ne fait réagir personne ? »

 

Crédit photo:  RFI