Ministre-conseiller, gracieusement payé à ne rien faire

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« Le Président de la République peut charger un ou plusieurs de ses collaborateurs du suivi de questions particulières relevant de son autorité directe. Il nomme chaque membre de son Cabinet, dirigé par le directeur de Cabinet, par arrêté. » Une brève présentation que l’on retrouve sur le site de la Présidence.

Parmi ceux qui composent ce cabinet, les ministres conseillers viennent après les ministres d’Etat. Justement ces ministres conseillers, encore appelés les « Ministres de la Présidence » dans certains pays, constituent une véritable énigme pour beaucoup tant sur leur utilité que sur leur rôle.

Que dit le principe ?

Le limogeage du ministre- conseiller Moustapha Diakhaté remet au goût du jour la véritable utilité de ce poste. Et pour mieux l’appréhender, l’ancien ministre Babacar Gaye nous livre leur fiche de poste : « Les ministres conseillers sont des membres du Cabinet du Président de la République.

Ils participent au Conseil des ministres si l’acte de leur nomination le prévoit. Ils prennent rang après les Ministres d’Etat et Ministres, mais avant les Ambassadeurs itinérants, les Conseillers Spéciaux, les Conseillers techniques et les Chargés de mission. Les ministres conseillers sont des conseillers techniques du PR avec rang de ministre. En général, ils peuvent avoir des attributions spécifiques fixées dans le décret de nomination. Leurs salaires et avantages sont en deçà de ceux des Ministres et Ministres d’Etat. ».

Du temps du Président Abdoulaye Wade, ils percevaient un peu moins de 2 millions y compris les impôts et les taxes. Ils n’avaient pas droit à un cabinet de collaborateurs. Des attributions bien confirmées par le dernier directeur de cabinet d’Abdoulaye Wade, Mamour Cissé qui souligne que « c’est un technicien dans un domaine bien précis. Il est chargé par des notes de conseiller le Président de la République dans son domaine de compétences ». Et pour les rendre efficace, l’auteur du livre « Comment votent les Sénégalais ?

Analyse du comportement de l’électeur de 1960 au 20 mars 2016 », Ahmadou Bamba Diagne propose une nomination basée sur la compétence. Pour lui, « dans les normes, cela devait être un gouvernement bis. Le Président peut nommer des hommes politiques comme ministres.

Mais au niveau de son cabinet, il prend les meilleurs sénégalais sur tous les domaines comme des ministres conseillers. » Babacar Gaye précise qu’il ne faut pas le « confondre avec le Ministre Conseiller qui est de rang d’un Conseiller des affaires étrangères ou un fonctionnaire de la hiérarchie A1 affecté dans les missions diplomatiques ou consulaires et ayant au moins 15 ans d’expérience professionnelle. »

La réalité est toute autre

Entre le principe et la pratique, le problème se situe à ce niveau. Les ministres conseillers sont pour la plupart nommés juste pour satisfaire une clientèle politique. C’est l’avis de Ahmadou Bamba Diagne qui estime que : « cela se rapproche plus du recasement du personnel politique. Beaucoup de ministres conseillers ne voient même pas le Président. Ils n’ont même pas de bureaux et certains n’ont même pas de spécialité. » «  Dans ce cas, comment peuvent-ils conseiller l’homme le plus puissant du Sénégal ?», s’interroge-t-il. Ce constat semble être général puisque Babacar Gaye est catégorique : « c’est un poste éminemment politique pour caser ou recaser des militants ou de grands électeurs comme les marabouts et autres lobbies. »

Une fonction parfois ambiguë au Sénégal, selon le journaliste-analyste politique qui explique que : « sous nos cieux, la délimitation de son champ de compétence est très peu visible. Nommés par le président de la République, ils sont souvent sans cabinet, sans ministère, le plus souvent sans possibilité de voir le Chef de l’État.

Dans ces attributions, l’on se demande vraiment s’ils ne sont des ministres que de nom. Manifestement, leur nomination relève, la plupart du temps, de dessous politiciens. Même si on peut voir  de temps en temps des « ministres-conseillers » aux compétences avérées sur des domaines précis, dans bien des situations, leur désignation est une  manière de contenter des partisans ».

Bien que ce poste soit éminemment politique pour la plupart, Ahmadou Bamba Diagne reconnait qu’il y en a qui remplissent correctement leurs taches. « Il s’agit d’Omar Demba Ba, il aide beaucoup le Président sur le plan diplomatique. C’est lui qui écrit beaucoup de ses discours. Il y a aussi Ismaila Madior Fall qui a beaucoup travaillé dans la révision de la constitution ».

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