Découverte: FELWINE SARR, ÉCONOMISTE HÉTÉRODOXE

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 koumpeu.com – « J’ai fait des études d’économie, j’ai une spécialité dans laquelle je publie des articles et je fais un travail d’économiste mais je suis plus attiré par la construction d’une œuvre philosophique et littéraire » – PORTRAIT

« Ishindenshin – de mon âme à ton âme », la dernière publication de Felwine Sarr, parue en même temps que le court essai « Habiter le monde » (Editions Mémoire d’Encrier, 2017), est peut-être l’outil permettant le mieux de cerner les multiples facettes de cet intellectuel « déconstructeur ». L’auteur signe dans cet ouvrage une pièce de théâtre, un recueil de poèmes, des textes de chanson et un essai.

Felwine Sarr est un universitaire spécialiste de la macroéconomie et, entre autres casquettes, essayiste, romancier, poète, auteur de pièces de théâtres, musicien – auteur compositeur de chansons, éditeur, libraire. C’est précisément à la librairie Athéna – aujourd’hui fermée – qu’il tenait sur la Place du Souvenir africain, que nous nous entretînmes à propos de cette image de penseur difficilement classable qu’il renvoie.

Là, entre le silence majestueux des livres et le bruit d’une rencontre politique organisée dans la salle du dessous, je le lance sur la curiosité de voir l’économiste se plaire à construire une œuvre plus philosophique et littéraire que relevant de la pure pensée économique. De cette voix dont le léger bégaiement n’altère en rien la fidélité dans le rendu d’idées bien conçues, il m’avoua que c’était « vrai dans un certain sens ».

Adolescent déjà, le gérant des Editions Jimsaan écrivait des recueils de poèmes, de la nouvelle, des aphorismes. Puis vinrent les paroles de chanson avant que le jeune homme ne s’essaie au roman. Le littéraire a précédé l’économiste dans le cheminement de ce spécialiste des politiques économiques dans la zone UEMOA dont les champs de recherche brassent aussi l’économétrie et l’économie du développement.

L’enseignant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis explique : « j’ai fait des études d’économie, j’ai une spécialité dans laquelle je publie des articles et je fais un travail d’économiste mais je dirais que je suis plus attiré par la construction d’une œuvre philosophique et littéraire que par celle d’un vrai corpus en économie bien que je publie dans des revues spécialisées dans ma discipline ».

Aussi, avec le temps, le natif de Niodior s’est de plus en plus intéressé aux questions liées à la philosophie économique et à l’épistémologie. Il en est venu à considérer que l’économie peut éclairer une partie de la réalité mais qu’elle a besoin des autres disciplines des sciences humaines et sociales car « probablement le regard serait beaucoup plus intéressant en étant articulée avec la philosophie, la sociologie, l’anthropologie ».

C’est de ce point de vue que Felwine Sarr se sent hétérodoxe,  qualificatif « plus large que la conception néo-classique et l’économie mainstream ». D’où la nécessité pour lui d’interroger le réel en tentant d’articuler une réflexion transdisciplinaire. Cela semble, à ses yeux, beaucoup plus juste que prendre les seules lunettes de l’économie dominante.

Il y a dans l’économie, précise le coorganisateur des « Ateliers de la pensée » (avec le politiste camerounais Achille Mbembe), « beaucoup de débats et de controverses théoriques. Et souvent lorsqu’on parle des économistes et qu’on les regroupe sous une épithète, on pense économie classique ou néoclassique. Alors que le champ de débat est beaucoup plus large. Il y a plusieurs types d’économistes et l’hétérodoxie est importante ».

Tellement importante qu’il milite pour un changement de programmes à l’université où « dés la première année, on doit introduire des matières en plus de la micro et de la macroéconomie classique et des mathématiques qui d’emblée ouvrent à une réflexion transdisciplinaire faisant que dès le départ l’étudiant est habitué à penser globale, à penser complexe, à penser trans et pluridisciplinaire ».

Toutes choses qui se font en fin de cycle chez nous. Dans les facultés sénégalaises d’économie – à Gaston Berger, les formateurs essaient certes d’etre plus flexibles qu’à l’UCAD – les interrogations épistémologiques arrivent en cinquième année. « Généralement, fait remarquer Sarr, c’est un peu tard, les esprits sont déjà formatés dans un certain sens ».

Pour l’auteur d’Afrotopia, nos réalités sociales, culturelles et historiques doivent mieux nous faire prendre en compte ces dimensions dès le début du cursus. Ce, afin de « repenser le contenu de l’économie que nous enseignons et les terrains d’application ».

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