Côte d’Ivoire : Blé Goudé condamné par contumace à 20 ans de prison ferme (avocats)
L’ex-chef des Jeunes patriotes ivoiriens Charles Blé Goudé a été condamné lundi par contumace à vingt ans de prison par la justice ivoirienne, lors d’une audience surprise où ses avocats étaient absents.
Mis à jour à 11h GMT
C’est M. Blé Goudé lui-même, joint par téléphone à La Haye où il est en liberté conditionnelle après son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI), qui a annoncé à l’AFP, tard lundi soir, sa condamnation à “20 ans de prison, 10 ans de privation de ses droits civiques, 200 millions de francs CFA” (300.000 euros) de dommages et intérêts à verser aux victimes.
Il était accusé par la justice ivoirienne d’“actes de torture, homicides volontaires et viol”, selon ses avocats, qui ne disposaient pas encore du texte du jugement mardi matin.
M. Blé Goudé s’est dit “surpris par ce verdict”, prononcé sans la présence d’un avocat, contrairement à ce que prévoit la procédure pénale ivoirienne.
“Comment peut-on le juger par contumace ? C’est un procès inéquitable, en violation de la loi. C’est évidemment un procès politique”, a estimé mardi Me Suy Bi Gohoré, l’un de ses avocats, précisant n’avoir “pas été informé” de la tenue de l’audience la veille.
Le Congrès panafricain pour la justice et l‘égalité des peuples (Cojep), parti de Charles Blé Goudé, a réagi mardi en appelant à un “dialogue” politique en Côte d’Ivoire.
“Cette condamnation ne va pas changer grand-chose à la ligne du Cojep. Cela renforce notre conviction qu’il faut un dialogue, que les forces politiques puissent se parler pour dénouer les conflits, parce qu’il y a des signes inquiétants”, a déclaré à l’AFP Aimé-Claude Mambo-Abbé, directeur de la communication du parti.
“Il faut que les Ivoiriens se rassemblent, il faut oeuvrer pour que 2020 ne soit pas la catastrophe annoncée”, a-t-il ajouté, faisant référence à l‘élection présidentielle prévue en octobre, et au climat politique tendu qui prévaut déjà en Côte d’Ivoire.
M. Blé Goudé avait été transféré par les autorités ivoiriennes à la CPI en 2014. Avec son ancien mentor, l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, il a été jugé pour crimes contre l’humanité. Tous deux ont été acquittés début 2019 et placés en liberté conditionnelle dans l’attente de l’examen de l’appel formulé par la procureure de la CPI. M. Blé Goudé ne peut pas rentrer en Côte d’Ivoire tant que la procédure n’est pas terminée.
Trois discours en même temps
L’ancien “général de la rue”, ainsi surnommé pour sa capacité à mobiliser les partisans de Laurent Gbagbo, a annoncé en juin avoir des ambitions présidentielles à long terme, après le prochain scrutin.
Le mouvement des Jeunes patriotes a souvent été qualifié de milice par les détracteurs de Charles Blé Goudé et par des ONG internationales. Ces dernières considèrent que M. Blé Goudé a été l’un des principaux acteurs de la montée de la tension en Côte d’Ivoire dans la décennie 2000, qui a culminé en 2010-2011 avec les violences post-électorales ayant fait plus de 3.000 morts.
L’annonce de la condamnation de M. Blé Goudé survient huit jours après le début de l’affaire Guillaume Soro, l’ancien président de l’Assemblée nationale qui s’est déjà déclaré candidat à la présidentielle de 2020.
L’ex-chef de la rébellion ivoirienne des années 2000, actuellement en France, est visé par un mandat d’arrêt international de la justice ivoirienne, qui l’accuse de “complot” et d’avoir préparé “une insurrection civile et militaire” pour s’emparer du pouvoir.
Début novembre, l’ex-président Laurent Gbagbo a été a été condamné par contumace en appel à 20 ans de prison pour le “braquage” de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest pendant la crise post-électorale de 2010-11.
L’opposition a dénoncé mardi dernier des “dérives dictatoriales” du pouvoir. Le président Ouattara a déclaré samedi que “nul ne sera autorisé à déstabiliser la Côte d’Ivoire” et que “le droit sera appliqué à tous, candidat ou pas”.
Il doit prononcer mardi à 20H00 (locales et GMT) sa traditionnelle allocution à la nation pour la nouvelle année.
L’ex-président ivoirien Henri Konan Bédié, chef du principal parti d’opposition, et Guillaume Soro ont annoncé eux aussi des allocutions au même moment.
AFP