Tunisie: le beau-frère de Ben Ali incarcéré
Présenté comme un « quasi-mafieux » par un câble diplomatique américain, Belhassen Trabelsi, beau-frère de Ben Ali, l’ancien président tunisien, a été mis en examen et incarcéré lundi à Marseille, après trois ans de cavale depuis sa fuite du Canada en 2016, où il était menacé d’extradition.
Déclaré « introuvable » par la justice canadienne en juin 2016, le frère de l’ex-première dame tunisienne a été arrêté la semaine dernière dans le sud de la France, dans des circonstances encore inconnues. Lundi, il a été mis en examen, pour « faux aggravé et blanchiment en bande organisé », et placé en détention provisoire, à la prison marseillaise des Baumettes, a précisé à l’AFP le procureur de la République de Marseille Xavier Tarabeux.
M. Trabelsi a été interpellé dans le cadre d’une enquête menée par la juridiction inter-régionale spécialisée (Jirs) de Marseille, selon une source proche de l’enquête en France. Mais les faits en question n’ont pas été spécifiés, pas plus que la période à laquelle ils auraient été commis.
La famille de Zine el Abidine Ben Ali et de son épouse Leila Trabelsi avait mis la Tunisie en coupe réglée, faisant main basse sur des pans entiers de l’économie durant les plus de 20 ans passés par M. Ben Ali à la tête du pays (1987-2011).
Homme d’affaires incontournable sous le régime Ben Ali, et poursuivi par la justice tunisienne dans plusieurs affaires de corruption, M. Trabelsi fait l’objet de « 17 mandats de recherche en Tunisie et de 43 mandats d’amener internationaux », avait précisé à l’AFP dimanche le ministère tunisien de la Justice. Tunis a demandé son extradition dès vendredi aux autorités françaises, après avoir été informé de l’arrestation par le bureau d’Interpol dans la capitale tunisienne.
Qualifié de « quasi-mafieux » par une dépêche diplomatique américaine de 2008, Belhassen Trabelsi avait trouvé refuge au Canada quelques heures à peine avant la chute de Ben Ali, le 14 janvier 2011, après avoir fui avec sa famille à bord de son yacht. Le bateau avait ensuite été saisi par les autorités canadiennes.
– « Crimes graves de droit commun » –
En mai 2012, après avoir perdu son statut de résident permanent au Canada, il avait demandé l’asile politique, disant craindre pour sa vie en Tunisie, ce qui avait repoussé toute possibilité d’extradition. Mais il avait été débouté à deux reprises de cette demande, en janvier 2015 et le 14 avril 2016, et il se trouvait sur le point d’être expulsé lorsque Ottawa avait définitivement perdu sa trace, début juin 2016.
« Il a disparu dans la nature, j’espère que les Canadiens vont le retrouver le plus tôt possible pour être livré à la justice tunisienne », avait alors commenté auprès de l’AFP le N.2 de l’ambassade de Tunisie à Ottawa, Borhene El Kamel, après le départ du richissime homme d’affaires, aujourd’hui âgé de 56 ans, de son appartement cossu de Montréal.
Dès la chute du régime Ben Ali, la Tunisie avait demandé l’extradition de M. Trabelsi à Ottawa, le considérant comme l’un des principaux responsables d’importants détournements de fonds publics.
Lors de séances devant la Commission de l’immigration canadienne, entre mai 2013 et septembre 2014, où il se présentait lui-même comme « un citoyen tunisien lambda », la justice canadienne avait exposé les allégations de « crimes graves de droit commun » dont il faisait l’objet: manipulation boursière, détournement de fonds, extorsion et corruption.
« Il est réputé pour avoir été impliqué dans une corruption de grande ampleur, du remaniement de la Banque de Tunisie à l’expropriation de biens et l’extorsion de pots-de-vin », selon un câble diplomatique de juin 2008 de l’ambassade des Etats-Unis à Tunis, que Wikileaks avait publié trois ans plus tard.
Des documents judiciaires accusaient également M. Trabelsi de « trafic de pièces archéologiques » et d’avoir notamment quitté la Tunisie avec des statuettes antiques.