En Thaïlande, le gouvernement est au bord de l’effondrement : en pleine crise pour le tracé de la frontière avec son pays voisin le Cambodge, la fuite d’un appel téléphonique de la Première ministre à l’ex-dirigeant cambodgien (et toujours très puissant) Hun Sen la met en difficulté. Après le retrait d’un pilier de sa coalition, son gouvernement est à deux doigts de perdre la majorité.
Le vieux conflit transfrontalier risque d’emporter la jeune Première ministre dans son sillage. Paetongtarn Shinawatra est fragilisée après le retrait, mercredi 18 juin, de son deuxième plus grand partenaire de coalition : le parti Bhumjaithai, avec ses 69 députés, quitte l’alliance qui a porté au pouvoir la fille de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra tout juste il y a un an.
C’est l’enregistrement d’un appel téléphonique du 15 juin qui risque de lui être fatal. Dans cette conversation avec l’ex-homme fort cambodgien Hun Sen, Paetongtarn Shinawatra aurait avoué être sous pression de l’armée et en particulier celle d’un général chargé des troupes à la frontière. La Première ministre aurait exhorté Hun Sen de ne pas l’écouter.
En Thaïlande, où les militaires tirent toujours les ficelles du pouvoir, cet appel téléphonique risque de mettre fin à la carrière fulgurante de la jeune cheffe du gouvernement. Paetongtarn Shinawatra a accusé son interlocuteur d’être à l’origine de la fuite. « Il est clair que son intention est de gagner en popularité, sans se soucier des conséquences sur les relations internationales », a-t-elle asséné.
Des excuses
La Première ministre a présenté ce jeudi ses excuses, en rappelant à l’unité entre le gouvernement et l’armée, mise à mal par les tensions à la frontière avec le Cambodge. « J’aimerais présenter mes excuses […] Nous devons rester unis et éviter le conflit entre nous », a déclaré la dirigeante, debout devant des responsables militaires, dans une rare image de cohésion.
En présentant ses excuses, Paetongtarn, qui portait jeudi un haut jaune, la couleur du roi, espère conserver le soutien des militaires, bien que ces derniers soient considérés comme des rivaux de sa famille, cette opposition polarisant le débat politique depuis plus de vingt ans.
L’armée, à l’origine d’une douzaine de coups d’État réussis depuis la fin de la monarchie absolue en 1932, a réaffirmé plutôt son adhésion aux « principes démocratiques » et aux mécanismes légaux existants, tout en se tenant prête pour défendre la « souveraineté nationale ». Par le passé, les militaires ont organisé un putsch pour déloger du pouvoir le père de Paetongtarn, Thaksin, ainsi que sa tante, Yingluck, ce qui a irrémédiablement alimenté les rumeurs d’une nouvelle intervention lors des dernières heures.
Dissolution ou élections anticipées ?
Paetongtarn Shinawatra, 38 ans, est arrivée au pouvoir en août 2024 à la tête d’une coalition entre le Pheu Thai et un groupe de partis conservateurs et pro-militaires dont les membres ont passé la majeure partie des 20 dernières années à lutter contre son père, Thaksin Shinawatra. Le parti Bhumjaithai a appelé Paetongtarn Shinawatra à prendre ses responsabilités : elle aurait déshonoré le pays et son peuple.
La Thaïlande a déjà changé de Premier ministre l’an dernier, mais ce pic de tensions s’inscrit dans une nouvelle donne mondiale marquée par l’offensive protectionniste américaine, qui menace de gripper une économie thaïlandaise déjà fragile. Parmi les scénarios évoqués, la dissolution de l’hémicycle pour organiser des élections anticipées sous 60 jours, ou la nomination d’un nouveau chef du gouvernement sur les bases d’une majorité similaire.