Sénégal: Qui pour sauver Mame Mbaye Niang ? (Par Malick Sy)
Koumpeu.com–Il a encore grillé un gros fusible – Il faut espérer que cela sera sans conséquence, car à ce rythme, c’est le compteur de la démocratie sénégalaise que Mame Mbaye Niang menace de faire sauter avec un risque d’extinction des lumières de la République
MackySall et Mame Mbaye Niang, même syndrome
Le fossé entre ses capacités intrinsèques et ses charges ministérielles est si abyssal qu’il a beau se draper de son plus joli costume républicain, se mettre devant le plus présidentiel des pupitres, tenter de se forger une «ministérialité» même en toc, rien y fait, ça coince à tous les coups. Mame Mbaye Niang et la République, c’est comme Gouye Gui et la grammaire, ça ne peut pas aller ensemble. Le ministre souffre du même syndrome que le président. Ils sont sincèrement persuadés d’être les meilleurs d’entre eux et ils ne font pas semblant. Le problème est qu’ils ne sont que deux à être au courant. Ce sont eux, toujours le même binôme. Et cela crée forcément des liens.
Sinon, comment Macky Sall peut-il, alors que le pays est au bord du précipice, laisser Mame Mbaye Niang, se dresser face caméra, pour nous abreuver de ses versets erratiques du genre «…force restera à la loi, nous ferons face, la loi passera de gré ou de force…» ou nous enivrer de diatribes aussi dangereuses qu’«effarantes» selon le mot d’Alioune Tine. Momar Diongue, autre observateur tout aussi avisé, n’a pas hésité à le comparer à Charles Blé Goudé, ce proche de l’ancien président Laurent Gbagbo, qui, avec les mêmes mots, a enflammé la Côte d’Ivoire et sapé durablement sa démocratie. Et dire que le clone sénégalais du pyromane ivoirien siège au conseil des ministres, penser que c’est nous qui payons le plus gros incubateur de bêtises de la République, il y a de quoi désespérer un peu plus de la gouvernance Sall.
De n’importe quoi à n’importe qui
On se demande encore qu’est ce qui a bien pu pousser le président à infliger encore une fois aux Sénégalais, un tel outrage, en envoyant Mame Mbaye Niang, défendre en conférence de presse, une réforme aussi complexe que la loi sur le parrainage lorsqu’on sait que la seule légitimité intellectuelle du ministre du Tourisme est sa proximité affective avec la Première dame. Il a beau avoir le sens du sacrifice, une conception aiguë du devoir et de la reconnaissance, mais le fait constant est qu’il n’est ni outillé, encore moins apte à ce genre d’exercice. En défiant le peuple du Sénégal avec une arrogance aussi mal millimétrée que la durée de son face à face avec les journalistes, Mame Mbaye Niang n’aura fait qu’enfoncer les derniers clous dans le cercueil du projet de loi sur le parrainage.
Sa capacité à dire n’importe quoi a certes fait qu’il n’est plus n’importe qui. Tout ministre de plein exercice qu’il est, si Macky Sall n’a que «mame mbaye» en stock pour lui servir de bouclier, le couple présidentiel peut sérieusement commencer à préparer ses cartons et penser à ne pas oublier d’éteindre les lumières du Palais en partant.
Il est encore temps d’appuyer sur le bouton d’arrêt d’urgence
Plus sérieusement, il y a vraiment lieu de s’interroger sur le choix de Mame Mbaye Niang pour s’adresser aux Sénégalais « en ces heures si graves » pour reprendre la formule de Thierno Alassane Sall. Est-ce tout simplement une grossière erreur de casting ou une pénurie réelle de samouraïs marrons beige, prêts à se faire hara kiri pour le triomphe du chef ? Plus grave encore, le ministre, représente-t-il tout simplement ce que le Président ou la Première dame ne peuvent pas faire faire ou faire dire à quelqu’un d’autre ?
Une chose est sûre, il est plus que temps pour Macky Sall, à quelques jours de l’examen du plus que controversé projet de modification constitutionnelle, de redescendre sur terre, c’est-à-dire revenir au Sénégal où son peuple est à cran et prêt à en découdre avec lui. Il doit stopper sa vertigineuse et dangereuse course à l’armement constitutionnel, judiciaire et électoral pour assouvir son désir irrépressible de réélection. L’obsession présidentielle du second mandat risque de condamner le Sénégal à un naufrage certain car le chef de l’État est en train de méthodiquement dynamiter toutes les digues : constitutionnelles (loi sur le parrainage), judiciaires (affaires Karim Wade, Khalifa Sall et Barthélémy Dias) confrériques (fractures chez presque toutes les «tarikhas»), religieuses (les graves événements survenus entre militants APR lors d’une cérémonie religieuse dans le Fouta), politiques (imposion du PS, de l’AFP, de la LD…), sociales (des grèves dans tous les secteurs), et économiques ( guéguerre entre secteur privé national et étranger). C’est tout le Sénégal qui est sous tension. C’est tout le pays qui est aujourd’hui fracturé. L’horizon politique n’a jamais été aussi anxiogène. Le virus de la haine et de la division est en train de se propager dans les cœurs et les esprits. Chacun s’arc-boute derrière ses certitudes. Entre le président et une large majorité de son peuple, les rapports ont quitté le registre de la simple défiance pour inexorablement migrer vers un autre pôle : l’exécration. C’est l’une des très rares réussites de Macky Sall, d’avoir dressé presque tout un pays contre lui. La rançon de six années d’incompétence et de trahison de la parole donnée.
Le risque est réel de voir notre démocratie sombrer à cause d’un homme, Ismaila Madior Fall, constitutionnaliste, ministre de la Justice, militant de la 25ème heure du parti présidentiel et arme de modification massive du président. Il est l’hémisphère droit du palais sur tout ce qui touche les questions institutionnelles. Intronisé tout au sommet de l’État, il a l’oreille du président. Mais le moment est venu pour Macky Sall d’arrêter de suivre son « cascadeur constitutionnel » et écouter le peuple du Sénégal s’il veut se sortir de ce dangereux tourment politique dans lequel la nation sénégalaise est engluée. Lui seul détient le pouvoir constitutionnel d’appuyer sur le bouton d’arrêt d’urgence. Alors appuiera, appuiera pas, ou laissera-t-il les Sénégalais le faire à sa place ? En général lorsqu’un train déraille, il s’arrête. Et vous Monsieur le Président ?
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