Les maux de l’école sénégalaise
Victor Hugo, dans un de ses poèmes d’une fascinante émotion, lançait cette prière : « Seigneur préservez-moi de ne jamais voir un nid sans oiseau, une maison sans enfants, une ruche sans abeilles. »
Pour notre part, nous demandons à notre Seigneur de nous épargner de voir une école sans élèves, sans enseignants soigneux, engagés.
Oh que c’est triste ! Que c’est ignoble ! Que c’est déshonorant, révoltant, rétrograde, avilissant, humiliant, de voir nos écoles vides.
Vides d’enseignants, vides d’élèves, vides de charmes, de sens et de redéfinition pédagogique.
L’école, terroir du sacré, est aujourd‘hui banalisée, avilie. Elle est devenue un lieu où l’on envoie ses enfants, non pour réconcilier ou recueillir les armes miraculeuses, le savoir problématique pour mieux comprendre les enjeux actuels du monde et avenir, mais uniquement un lieu pour se reposer.
C’est pour beaucoup de familles, de parents d’élèves, un jardin public, un jardin de loisir, de mondanité, de bavardage.
Notre école, qu’on n’y prenne garde, sombre, en effet, dans la barbarie.
La lecture, pour ne prendre que cet exemple parmi d’autres, la lecture, cette merveilleuse compétence qui permet de dialoguer avec le passé, le présent et le futur, mais aussi avec des sociétés jusqu’ici inconnues; la lecture donc est devenue un abominable péché pour beaucoup d’élèves et d’enseignants.
Les grèves y sont devenues un rite sacré auquel il faut sacrifier. La paresse intellectuelle et pédagogique, enrobée dans une loquacité syndicale à donner le vertige même au guide religieux le plus stoïque, qui y a acquis droit de cité, est même primée très souvent.
La gente féminine enseignante dans les différentes écoles, s’inquiète beaucoup plus des produits de leur commerce, des Nguintés, des tours, des Ndawtals, que des relations pédagogiques qu’elle doit maîtriser et dérouler.
Elle est devenue, cette gente pédagogique, féminine évidemment, plus « bana-bana » que pédagogique.
Il faut savoir que l’école seule ne peut parvenir à ses fins. Il faut l’école des parents, surtout. Sinon, sinon, tout s’écroule.
Les parents, autrement dit la société, doit s’approprier l’école, son école. Celle-ci est sacrée. Ne pas le comprendre, c’est accepter de marcher aux ras-de-pâquerettes. Et ceci pour toujours, parce qu’on se sortira jamais du fond du tunnel.
EL HADJ AMADOU FALL