L’affaire qui oppose Guillaume Soro à l’Etat de Côte d’Ivoire et qui couvait depuis plusieurs mois, a atteint son point culminant avec un mandat d’arrêt international. Le procureur de la République près le tribunal d’Abidjan, Adou Richard a émis un mandat d’arrêt contre Guillaume Soro le 23 décembre 2019, en plus de l’arrestation de la quasi-totalité de ses plus proches collaborateurs. La visite d’Emmanuel Macron à Abidjan, laissant planer un soupçon de validation par Paris de cette purge, la France va-t-elle livrer l’homme recherché par la justice ivoirienne?

Guillaume Soro, une manœuvre politique devenue difficile

Le procureur de la République a justifié ce mandat d’arrêt par les charges de « tentative d’atteinte à l’autorité de l’État et à l’intégrité du territoire national ».

Par ailleurs, Guillaume Soro est aussi visé par une information judiciaire pour « détournement de deniers publics, recel et blanchiment de capitaux portant sur la somme de 1,5 milliard de francs CFA » (environ 2,25 millions d’euros).

Ce rebondissement dans la crise qui l’oppose à l’actuel chef de l’État ivoirien, dénote d’une manœuvre qui viserait à mettre hors de course à la présidentielle de 2020, Guillaume Soro.

L’enjeu de cette guéguerre entre les deux hommes, pourrait cacher des enjeux plus grands que la course à la présidentielle.

Pourquoi Ouattara irait-il tordre le cou à la justice pour mettre un seul homme hors circuit ? L’arrestation des collaborateurs de l’ex-président de l’Assemblée nationale, élus et députés pour certains, s’est opérée au pied levé, en dehors des procédures légales prévues par les lois ivoiriennes.

De même, les perquisitions aux domiciles des prévenus en leur absence ne répondent à aucune disposition légale. Même si le procureur évoque le flagrant délit, les preuves apportées jusqu’ici restent discutables.

Alors pourquoi insister à risquer à nouveau la crédibilité des institutions de la République pour solder des comptes politiques ?

Ouattara aurait-il enfin accepté de livrer Guillaume Soro à la CPI ?

Lâché par les États-Unis où il avait réussi à nouer des attaches sérieuses dans le prestigieux cercle restreint des lobbies américains, Guillaume Soro peut-il échapper à la justice internationale ?

L’influence d’ Olusegun Obasanjo et de Thabo M’Beki, qui l’y avaient introduit, n’a pas pesé assez dans la balance. Les Américains ne peuvent pas soutenir ouvertement un homme dont le passé criminel pèse aussi fort que sa réputation.

Même son de cloche du côté de Paris où le soutien d’ Alexandre Benalla et de certains proches de Macron n’a pas aidé à faire agir Paris en faveur de Guillaume.

Après la mise en scène de son Jet privé détourné sur Accra le 23 décembre dernier afin d’attirer les projecteurs de l’actualité sur sa situation, Guillaume semble moins inquiet.

Si l’exposition médiatique a réussi à le présenter comme victime d’une machination du gouvernement d’ Abidjan, certaines variables pourraient rendre difficiles l’arrestation et l’extradition de Guillaume Soro par Paris.

Bénéficiant encore de connexions solides et d’un réseau de chefs d’États hostiles au président ivoirien, l’ex-président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire a depuis lors rencontré du monde.

Expliquer les dessous de ce qu’il appelle lui-même un acharnement, pour rallier à sa cause de nombreux soutiens, pourrait faire gagner du temps à Guillaume Soro.

En outre, si celui qui a été au cœur de la rébellion ivoirienne se met à table, des secrets compromettants pourraient être dévoilés. Comme ce fut le cas lors de la conférence de presse de maître Affoussiata Bamba Lamine.

Cette tribune avait permis à Guillaume Soro d’assumer ce qui se disait tout bas par beaucoup de pro-Gbagbo; Ouattara est l’artisan de la rébellion ivoirienne. Un peu comme un avant goût d’un grand déballage en cas de difficulté.

Alors, à part empêcher Guillaume Soro de participer à l’élection présidentielle, quel intérêt Abidjan a-t-il à pousser le cochonnet plus loin ?

Guillaume Soro gagnerait pour le moment à bien roder sa communication et museler par la même occasion certains de ses « chiens » de la parole sur les réseaux.

Ces derniers, investis de la mission de défendre l’image de leur leader, vocifèrent un peu trop ces derniers temps, allant jusqu’à déranger, comme leur leader lui-même, les personnes qui peuvent empêcher sa livraison au pouvoir d’Abidjan.

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