Ethiopie: une deuxième année au pouvoir qui s’annonce difficile pour Abiy Ahmed

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Lors de son premier discours en tant que Premier ministre, en avril 2018, Abiy Ahmed avait appelé à en finir avec l’ancienne politique de répression et d’exclusion qui avait plongé l’Éthiopie dans la tourmente.

Un engagement qui lui avait valu la considération de la communauté internationale et une popularité si grande dans son pays que ses plus fervents supporters le rêvaient en Prix Nobel de la paix.

« Avant l’arrivée d’Abiy Ahmed, nous avions peur que l’Éthiopie sombre dans la guerre civile », déclare à l’AFP Hassen Hussein, un haut responsable du Front démocratique oromo, un des nombreux groupes politiques à avoir pu rentrer d’exil depuis l’année dernière.

Mais cette première année au pouvoir a également été marquée par un regain de violences ethniques qui ont forcé 1,8 million de personnes à quitter leur foyer.

Si Abiy Ahmed a donné un nouveau visage à l’omnipotent Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), la coalition au pouvoir, diplomates et hommes politiques soulignent que rien n’a vraiment changé à l’échelon local.

« Beaucoup de gens, notamment localement, se demandent où est le changement », assure Merera Gudina, un leader de l’opposition. « Les gens doutent à la fois de la profondeur et de la rapidité du changement ».

Et alors que débute sa deuxième année au pouvoir, Abiy Ahmed fait face à un nouveau défi: tenir sa promesse d’organiser en 2020 des élections libres et régulières malgré la violence politique croissante.

Le Premier ministre, investi le 2 avril 2018, a succédé à Hailemariam Desalegn, qui avait démissionné dans un contexte de dissensions croissantes au sein de l’EPRDF et après plus de deux années de manifestations antigouvernementales.

Ancien ministre de la Science et des Technologies, membre de l’ethnie oromo – la plus importante du pays -, Abiy Ahmed a été lieutenant-colonel dans l’armée et a servi au sein des services de renseignement. A 42 ans, il a conquis les Éthiopiens par ses réformes rapides et spectaculaires.

– Négocier avec l’opposition –

Il s’est affiché en public avec des prisonniers politiques récemment libérés et a rencontré de manière répétée l’ancien ennemi juré et président de l’Érythrée Issaias Afeworki, avec qui il a rétabli en juillet des relations rompues depuis la sanglante guerre de 1998-2000.

« Pour la première fois dans l’histoire du pays, il négocie avec l’opposition », ajoute Merera Gudina, qui fut emprisonné sous Hailemariam Desalegn et libéré peu avant sa démission.

Mais Merera Gudina s’inquiète de savoir si les quatre partis qui forment l’EPRDF – à commencer par la minorité tigréenne qui dominait la coalition jusqu’à l’année dernière – le soutiennent réellement.

« Nous ne sommes pas certains de savoir jusqu’à quel point l’EPRDF est investi », dit-il.

Au niveau local, la politique a peu changé.

« Le parti au pouvoir est le parti au pouvoir; les cadres sont les mêmes; le service fourni est le même », regrette Merera Gudina.

Ceux qui ont rencontré le Premier ministre s’inquiètent de sa tendance à mettre en avant ses réussites mais à en dire trop peu sur la façon dont il compte relever les nombreux défis auxquels son pays fait face.

Abiy Ahmed avait fait la une en octobre dernier en nommant un gouvernement féminin à 50%, mais il a semblé faire peu de cas de ses ministres depuis leur nomination et tout décider seul.

– « One man show » –

« C’est un one-man show… mais pour sûr, ce n’est pas un gouvernement qui fonctionne », confie à l’AFP un diplomate étranger, notant que « des sourcils se froncent désormais » au sein des ambassades.

Peu de temps après sa prise de fonction, un vieux conflit foncier a débouché sur des affrontements ethniques dans les régions de Guji et de Gedeo, au sud du pays, forçant près d’un million de personnes à fuir leur foyer.

L’année écoulée a été ponctuée de violences similaires.

En septembre dernier, au moins 58 personnes, principalement issues d’ethnies minoritaires, ont été tuées aux abords de la capitale Addis Abeba, tandis qu’en décembre, selon des ONG, 250.000 personnes ont été déplacées dans l’ouest du pays en raison de violences ethniques.

Selon les analystes, la violence croissante résulte d’un relâchement du contrôle, autrefois ferme, de l’EPRDF sur les forces de sécurité et les administrations régionales.

L’instabilité politique va jusqu’à menacer les progrès en faveur de la liberté de la presse insufflés par le Premier ministre. Il s’inscrit à ce sujet dans les pas de Hailemariam Desalegn, qui avait fait sortir de prison plusieurs éminents journalistes.

Elias Kifle, qui dirige le média en ligne Mereja, raconte ainsi que des officiers de police ont battu deux de ses journalistes lors d’une manifestation dans la ville de Legetafo en février.

« Je considère que c’est non seulement une attaque contre la presse, mais aussi contre la réforme », dit-il, ajoutant ne pas tenir le Premier ministre pour responsable de cette bavure.

Signe manifeste de fragilité, les autorités ont repoussé au dernier moment, en mars, un recensement national prévu le même mois et qui était perçu comme un prélude aux élections de 2020.

« Quoi qu’il arrive on sera perdant », estime Hassen Hussein, du Front démocratique Oromo. « Avec le niveau de polarisation qui existe aujourd’hui, je ne suis pas certain qu’une élection serait une bonne chose pour l’Éthiopie et pour les Éthiopiens ».

afp

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