Afrique du Sud : l’ANC en tête des législatives
Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 1994 en Afrique du Sud, arrive en tête des législatives, selon les premiers résultats partiels, publiés jeudi, de ce premier test électoral pour le président Cyril Ramaphosa qui a tenté d’insuffler une nouvelle dynamique à son parti empêtré dans la corruption.
L’ANC, la formation de feu Nelson Mandela qui possède la majorité absolue dans l’Assemblée nationale sortante, est crédité de 55,07 % des suffrages, après dépouillement des bulletins dans un bon quart (26 %) des bureaux de vote.
L’Alliance démocratique (DA), principal parti d’opposition, arrive en deuxième position du scrutin de mercredi avec 25,96 % des voix, largement devant le parti radical de gauche des Combattants pour la liberté économique (EFF) avec 8,28 %.
Le parti d’extrême-droite du Front de la liberté (VF Plus) se maintient en quatrième position (3,21 %).
Selon ces résultats partiels qui donnent un taux de participation de 64,72 %, en nette baisse par rapport aux législatives d’il y a cinq ans (73,48 %), les grandes lignes du paysage politique sud-africain ne sont donc pas modifiées.
Une fois élus, les députés choisiront le chef de l’Etat. Si la victoire de l’ANC se confirme, Cyril Ramaphosa, au pouvoir depuis février 2018, devrait prêter serment le 25 mai.
Sûr de lui, le chef de l’Etat a assuré mercredi que “les résultats du scrutin constitueront un encouragement important aux investisseurs (…) à la confiance des investisseurs”, dans un pays gangréné par le chômage, la corruption et la pauvreté.
Déceptions
Vainqueur de tous les scrutins qui ont suivi la chute de l’apartheid et l’avènement de la démocratie il y a un quart de siècle, l’ANC a vu sa popularité plonger sous le règne émaillé de scandales de son prédécesseur Jacob Zuma (2009-2018).
Aux élections municipales de 2016, l’ANC a réalisé son plus mauvais score national en recueillant 54% des voix, cédant le contrôle de villes comme Johannesburg et Pretoria.
Depuis qu’il a poussé Jacob Zuma vers une retraite anticipée début 2018, Cyril Ramaphosa a reconnu les “erreurs” commises par son parti et promis d‘éradiquer la corruption et de relancer l‘économie du pays en crise.
Un an plus tard, l’ancien syndicaliste reconverti avec succès dans les affaires est resté populaire mais tarde à tenir ses promesses.
Tout au long de sa campagne électorale, il a été confronté à la déception, l’impatience voire la colère d’une part croissante de la population, qui s’estime toujours oubliée de la nation “arc-en-ciel” rêvée par Nelson Mandela.
“Nous leur avons donné vingt-cinq ans (de pouvoir) mais les pauvres sont toujours plus pauvres et les riches encore plus riches”, a résumé mercredi Anmareth Preece, une institutrice de 28 ans, électrice à Coligny (nord-ouest).
“Il nous faut un gouvernement qui gouverne pour le peuple, par pour lui-même”, a-t-elle ajouté.
‘Arrogance’
Le bilan d’un quart de siècle de gouvernement ANC laisse sérieusement à désirer. Le chômage a atteint des proportions endémiques (27 %), la corruption gagné le plus haut sommet de l’Etat et les inégalités sociales et la pauvreté se creusent.
Avant le scrutin, l’opposition a lourdement insisté sur ces échecs et appelé le pays à sanctionner l’ANC.
“Changeons les choses”, a lancé mercredi le chef de file de l’Alliance démocratique (DA) Mmusi Maimane, 38 ans.
“Si vous avez besoin de changement, les EFF sont la solution”, a renchéri celui des Combattants pour la liberté économique (EFF), le bouillant Julius Malema, 38 ans lui aussi.
Certains électeurs traditionnels les ont déjà rejoints.
“L’ANC a cru que nous ne le lâcherions pas, une certaine forme d’arrogance les a gagnés”, a critiqué Mandla Booi, un ouvrier de 45 ans de Port-Elizabeth (sud). “Moi, j’ai préféré partir et j’ai pris ma carte de membre des EFF.”
Ces mouvements ne devraient toutefois pas menacer la majorité absolue du parti au pouvoir, comme les premiers résultats le suggérent.
Les seules surprises pourraient venir des élections régionales qui se sont tenues en même temps que les législatives, où les positions de l’ANC semblent menacées dans plusieurs provinces dont le Gauteng, celle de Johannesburg.
Malgré la victoire, Cyril Ramaphosa n’aura pas la tâche facile pour tenir ses promesses de réforme de grande ampleur.
Les observateurs anticipent de fortes résistances au sein-même de son parti, où les partisans de l’ex-président Zuma disposent toujours d’une forte capacité de nuisance.
“Plus haut sera le score de l’ANC, plus la marge de manoeuvre (de M. Ramaphosa) sera grande”, a pronostiqué pour l’AFP Dirk Coetzee, professeur à l’université d’Afrique du Sud (Unisa).