Affaires Cheikh Béthio et Thione: Un procès de notre société

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L’Affaire Médinatoul Salam, dans laquelle 19 Thiantacounes et leur guide Cheikh Béthio Thioune ont été impliqués, s’est ouverte ce mardi à Mbour.

Pendant ce temps, la procédure concernant l’affaire des faux billets où le chanteur Thione Seck, une icône de la  musique sénégalaise, a été cité, pourrait connaitre son épilogue et le procès ouvert dans les prochains jours.

Deux affaires qui n’ont aucun lien. Elles ont cependant la particularité d’impliquer deux personnalités sénégalaises qui sont des références certaines et en qui croient des centaines, voire des milliers de personnes.

C’est dire que ces affaires ne laissent aucun Sénégalais indifférent. Elles sont religieusement suivies.

Cette chronique n’est pas une plaidoirie de défense ou un réquisitoire d’accusation. Il y a des personnes habilitées à le faire. Nous respectons, en outre, la présomption d’innocence, un des socles de notre système judiciaire.

Toutefois, tout le monde sera d’accord avec moi sur le fait que ces affaires n’auraient jamais dû avoir lieu.

Ces personnes poursuivies en qualité d’auteurs ou d’instigateurs (complices) de faits aussi graves, sont très écoutées, adulées même. Elles ont les moyens et sont à l’abri du besoin. Elles n’ont pas les problèmes quotidiens du Sénégalais lambda qui a du mal à joindre les deux bouts.

En somme, on peut se demander pourquoi ? Pourquoi tuer des disciples ? Pourquoi de faux billets là où ses affaires et celles de son fils-chanteur marchent ?

Mais ces questions que l’accusation a le devoir d’éclaircir (nous ne sommes pas à la Crei) cachent d’autres tout aussi gênantes.

Pourquoi ces personnalités sont toutes les deux libres comme l’air alors que leurs supposés complices ou co-auteurs sont en détention dans le cadre des mêmes affaires ? Pourquoi  le Chef de l’Etat se permet-il de recevoir une d’elle alors que de graves accusations pèsent sur elle ? Pourquoi les procédures ont-elles tant tardé jusqu’à occasionner des grèves de la faim ?

Des ‘’pourquoi ?’’ de ce genre, il y en a beaucoup.

En attendant que les juges se fassent une religion, il importe de souligner qu’il ne s’agit pas seulement de procès de ces deux personnalités, mais de notre société toute entière.

Certains parmi nous, et ils sont nombreux, suivent des guides religieux comme des dieux. Dans notre rapport avec la religion, nous avons tendance à donner à des hommes des attributs de Dieu. Ici, la soumission de l’homme à son maître est totale. Et ce faisant, ce dernier croit avoir, sur nous, tous les droits.

Les jeunes qui sont les plus vulnérables cherchent des refuges dans des organisations religieuses qui fonctionnent, parfois, comme des sectes. Et on ne dit jamais tout ce qui s’y passe.

Parallèlement, les hommes publics subissent une pression sociale telle qu’ils pensent que tous les moyens sont bons pour se faire de l’argent. Et il n’y en a jamais assez.

Thione, qui a passé toute sa vie à donner des leçons de vie à ses compatriotes, est citée dans cette sombre affaire. La simple évocation de cette affaire est une preuve d’échec pour lui. Il devait, toujours, se hisser au-dessus de la mêlée.

Mais là aussi, comme pour les guides religieux, nous l’avions sans doute surestimé.

Mais, dans tous les cas, ils sont tous les deux justiciables. Les Sénégalais s‘attendent de savoir s’ils ont tort ou non. Les supposés complices ou co-auteurs mis en détention préventive sont aussi des citoyens. Ils ne peuvent pas payer pour les autres. Il n’y a pas de responsabilité pénale du fait d’autrui, sauf en de rares cas.

C’est dire que nous avons une société qui a raté, depuis longtemps, ses objectifs. On pense qu’il ne suffit pas de travailler pour gagner de l’argent et même au niveau des cercles religieux, ce qui prime maintenant, c’est le pouvoir financier, économique.

Nous avons une société déréglée où tout le monde est suspect parce que la plupart sont calculateurs et corruptibles. Et personne n’est à l’abri.

La preuve, nos références sont en train de se faire désirer parce que nos valeurs s’estompent.

Que Cheikh Béthio et Thione soient retenus coupables ou non, un ressort s’est brisé, des convictions se sont envolées, des certitudes remises en doute.

Il y a le procès du tribunal et celui du peuple. Et nous ne sommes pas sûrs que le peuple ne se soit pas déjà fait sa propre religion sur ces affaires.

Assane Samb

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