ESCLAVAGE EN LIBYE: CONFIDENCES BOULEVERSANTES SUR SAMUEL ETO’O

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Le Camerounais à l’origine de la lutte contre l’esclavage en Libye revient sur la genèse de ce combat, et les réalités vécues par les africains dans ce pays. Il s’exprime dans le cadre d’une interview accordée à Journal du Cameroun.

Il est connu sur les réseaux sociaux sous le pseudo de John Dahl Carter. Pour les médias internationaux, c’est celui par qui l’un des scandales les plus graves de l’histoire moderne de l’humanité, a été connu du grand public. Ce ressortissant camerounais, installé à Tunis, a en effet quitté sa terre natale il y a quelques mois, pour s’engager dans la lutte contre le trafic d’esclaves dans les pays d’Afrique du nord, et plus spécifiquement en Libye. Bien que menacé par les trafiquants libyens depuis que le scandale a éclaté, John Dahl Carter a accepté de parler à Journalducameroun.com.

Journal du Cameroun: Par quel canal êtes-vous arrivés en Tunisie ?

Je suis parti de manière légale, j’ai eu un passeport, j’ai demandé un visa on me l’a accordé, et je suis arrivé ici. (…) Quand je suis arrivé, la première des choses était de nouer des relations avec des ivoiriens. Parce que le premier constat que j’ai fait, c’était de me rendre compte qu’il y a une forte communauté d’ivoiriens, et ils bougent beaucoup. C’est à dire que tu rencontres quelqu’un aujourd’hui, demain il n’est plus là.

Quand avez-vous quitté le Cameroun ?

John Dahl Carter: J’ai quitté le Cameroun définitivement en avril dernier, et ce pour mener ce combat ; car étant en contact avec des gens dans le Maghreb qui me faisaient part de cette situation, il fallait avoir des preuves concrètes. C’est ainsi que je me suis rapproché d’un ami qui m’a fait comprendre que ça pouvait être plus facile pour moi d’avoir des infos depuis la Tunisie, et c’est comme ça que je m’y suis rendu.

Comment êtes-vous entré en contact avec Cnn?

A l’origine nous n’avons pas fait la vidéo uniquement pour Cnn. Je l’ai envoyé à plusieurs médias. Celui que nous visions le plus c’était Bfmtv. Car nous nous disions que c’était le plus adéquat pour relayer notre message. On a pensé que cela pouvait les intéresser. Comme vous pouvez le voir sur le net, la vidéo à l’origine elle est en arabe. Cnn l’a juste traduite avant de faire une enquête supplémentaire pour se rassurer de la véracité des informations.

De nombreux autres activistes ont rejoint la cause et revendiquent la paternité du mouvement observé sur la toile. Comment réagissez-vous face à cela ?

Déjà en ce qui me concerne, je ne revendique pas la paternité. Ce que je fais c’est différent de celui-là qui se lève, balance des vidéos sur les réseaux sociaux pour parler de quelque chose qu’il a vécu et après c’est terminé. C’est différent …

Vous parlez bien de Claudy Siar …

Voilà. C’et différent. Moi en ce qui me concerne, ce n‘était que de ce combat que je parlais, et ce de manière régulière. Donc peut-être qu’il y a eu des gens qui ont fait des vidéos avant moi…etc. mais j’ai fait des vidéos de manière constante. J’ai demandé de l’aide aux autorités ça n’a pas marché et j’ai commencé à balance des vidéos comme je pouvais pour voir si ça va aboutir à quelque chose. Ce qui comptait c’était de demander de l’aide aux autorités pour mettre fin à ces marchés. Et c’est ainsi que j’ai commencé à demander de l’aide aux ambassades, et à certaines stars de nos différents pays, ils ne m’ont pas écouté. Mais j’ai été surpris, qu’une de nos vidéos, soit en train de réveiller tout un continent. Donc je ne revendique pas la paternité du mouvement mais il faut dire que je suis à l’origine du soulèvement. C’est différent.

Quels sont les personnalités camerounaises que vous avez sollicitées pour soutenir votre mouvement

J’ai sollicité le footballeur Patrick Mboma, à qui j’ai parlé de ça. Il m’a répondu pour me dire qu’il n’était pas intéressé. Parce que je lui avais dit, voilà, il y a un phénomène qui se produit et j’aimerai mener des campagnes de sensibilisation en Afrique, en commençant par la Côte d’Ivoire, car c’est le pays le plus touché. Il m’a dit qu’il n’était pas intéressé. Didier Drogba, Alpha Blondy, ils ne m’ont pas écouté.

Vous avez eu à citer Samuel Eto’o comme l’une des personnalités que vous avez contacté, quelle a été sa réaction ?

Samuel Eto’o a juste lu le message mais il n’a pas réagi. Il a lu le message que je lui ai envoyé, mais il n’a rien fait. Il y a le Général Valsero qui m’a contacté il y a quelques temps … de manière général, c’est plutôt les descendants d’esclaves, les antillais, qui ont réagi à mon appel, mais très peu d’Afrique subsaharienne.

Mais bien avant ces stars, j’ai fait des lettres, des courriers que j’ai déposé à l’ambassade de Côte d’Ivoire, à l’ambassade du Cameroun, à l’organisation internationale pour les migrants, Il n’y a que le consul de la république du Cameroun en Tunisie, M. Koum, qui a été sensible à mon appel. C’est lui qui m’a invité dans un colloque. Un colloque qui a rassemblé tous les consuls africains, de la république de Libye, ainsi que ceux de la république de Tunisie. J’ai profité de cela pour parler du traffic qui se passait là-bas, en leur disant que je venais tout droit de Sabarta et de tripoli. Personne ne ma écouté, ils ont juste pris mes contacts, personnes n’a réagi. C’est comme ça que j’ai continué à faire mes vidéos de sensibilisation. Il y a un contact en Guadeloupe qui m’a offert un espace sur son site. Mais à part cela, rien.

En quelques mots, pouvez-vous nous décrire la situation sur le terrain?

C’est la catastrophe, c’est le suicide, c’est l’enfer sur terre. La Lybie aujourd’hui c’est le centre de gravité de l’immigration clandestine depuis la chute de Mouammar Kadhafi, alors, on a créé dans ce pays, des centres légaux de détention. Il y a aussi des centres de retentions appartenant aux policiers, à la police libyenne, aux rebelles… beaucoup plus dans les anciennes maisons de guerre ou des camps qu’ils ont construit. Là-bas, vous retrouvez des noirs qui tentent l’aventure en Europe. C’est le point de départ. C’est là-bas que sont installés beaucoup de passeurs avec des chalutiers vétustes, qui n’hésitent pas un seul instant à mettre 400, 500, 1000 migrants sur un bateau, moyennant des grosses fortunes, allant jusqu’à 7000 euros (4,6 millions de francs CFA), pour pourvoir rallier l’île de Lampedusa en Italie. Donc avec les complicités des Nigérians et Ghanéens, ces arabes s’approprient des noirs qu’ils vendent aux enchères. Avec à peu près 100.000 Francs CFA, vous pouvez avoir un homme robuste qui peut vous aider à faire les champs, les chantiers… vous pouvez avoir une femme qui sera une machine à sexe. Et surtout pendant que les gens sont en train de manifester la situation ne change pas. Pas plus tard qu’hier, on a fait une vidéo avec un enregistrement d’un policier qui dit détenir des ressortissant camerounais. Il exige une rançon de 300.000 Francs CFA par tête faute de quoi, il va les tuer. Et ce policier na pas hésité à dire que la police libyenne na pas d’argent, et que ce sont les noirs qu’ils utilisent pour s’enrichir. Soit en les vendant, soit en les forçant à appeler leur proches pour envoyer de l’argent

A qui est ce qu’on vend ces migrants ?

Il n’y a pas que les libyens. Il y a les libyens en tête, c’est clair, mais il y a des syriens, et même des pakistanais qui sont dans le trafic. Maintenant, ils travaillent en collaboration avec des nigérians et des ghanéens, qui sont ceux qui leur apportent de la marchandise.

Il y a une légère confusion, ces phénomènes sont-ils liés au racisme ou alors à la situation de précarité qui règne en Lybie depuis la chute de Mouammar Kadhafi ?

La chute de Kadhafi a permis de savoir que beaucoup d’Africains partent de chez eux. Et la raison nous la connaissons tous, ils meurent de faim dans leur pays, c’est pourquoi ils partent. Ils sont comme des martyrs. Ils essayent de s’en sortir dans nos pays respectifs, mais ça ne donne pas. Mais si j’avais un message à passer à ces derniers, je leur dirais que dépenser 1000 euros pour finir dans une prison, pour moi c’est absurde.

Quelle proportion de Camerounais retrouve ton parmi les immigrés étant dans cette situation ?

Il y en a beaucoup. Ils sont moins nombreux que les nigérians, les ivoiriens et les nigériens, mais il y a une forte communauté camerounaise en Lybie. Cela dit, à la différence des autres, ils ne sont pas passés par la Tunisie. Ils passent par le Tchad, puis le Niger, avant de se retrouver là-bas.

Que peut faire le gouvernement camerounais pour mettre fin à ce trafic ?

Première des choses, il faudrait d’abord qu’on voit comment libérer ces personnes enfermées dans les camps de détention, ensuite il faut trouver une stratégie pour leur réinsertion. En plus, une réelle campagne de sensibilisation s’impose sur l’étendue du territoire pour faire part de ce qui se passe en Libye et du danger qu’ils courent en s’aventurant de manière clandestine au Maghreb

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