L’Afrique prend le tournant numérique dans la communication
Le numérique prend de plus en plus de poids dans la communication en Afrique, où des experts estiment qu’il devrait détrôner prochainement les médias traditionnels des annonceurs, télévision, affichage ou annonces dans la presse écrite.
« Le numérique est totalement adapté à l’Afrique. Cela permet de communiquer de manière beaucoup plus abordable. Il présente un rapport qualité-prix plus avantageux », détaille Kahi Lumumba, de l’agence Totem Experience, un des organisateurs du forum Adicomdays (African Digital communication), qui se tient à Abidjan vendredi et samedi.
« On voit une évolution des mentalités des communicants du continent ». « L’Afrique saute des étapes », souligne-t-il, y voyant « une évolution des mentalités des communicants » et rappelant que le continent est passé au téléphone portable sans avoir préalablement maillé son territoire avec le fil, ou au mobile-money sans passer par la bancarisation.
Exemple de ce phénomène qui voit les pays africains accéder directement à une technologie nouvelle sans passer par les étapes précédentes, la start-up du courtier en assurance Baloon, qui propose des contrats et leur traitement uniquement par voie numérique.
Son patron, Bertrand Vialle, explique avoir concentré l’essentiel de son effort de communication sur les réseaux sociaux: « Pour nous, c’était impératif. On a fait une campagne d’affichage mais ça a certainement eu moins d’impact que les 60.000 followers que nous avons sur Facebook ».
Comme lui, l’agence de communication Blue Lion, qui « travaille à 90% avec le numérique », met en avant le côté interactif du processus.
« On est dans une relation où le consommateur influence », explique sa directrice Hélène Calas, qui rappelle que le réseau social Facebook connait une croissance incroyable en Afrique: « En Côte d’Ivoire, on est passé de 2,5 millions d’utilisateurs en 2016 à 4,4 en 2019, soit presque un quart de la population! ».
– « C’est allé vite » ! –
Autre « particularité africaine », la jeunesse et son dynamisme.
« Il y a toute une génération qui créé beaucoup de contenus. Il sont créatifs, très débrouillards. Les Africains ont adopté le mobile dans leur attitude et habitudes », explique M. Lumumba. « C’est avec ces +influenceurs+ que les marques ont intérêt à travailler, parce qu’ils ont créé des communautés très fortes ».
Comme en Europe ou aux Etats-Unis, certains peuvent d’ailleurs monnayer cette influence, en se faisant rémunérer pour parler d’une marque, porter des vêtements…
C’est le cas du jeune humoriste Observateur Ebene, parti de son téléphone et de quelques sketchs, et qui pèse aujourd’hui un million de « followers ».
« Je me moque, je me marre, je filme.. Je n’ai pas eu besoin d’aller sur une télévision. C’est allé vite! », commente-t-il.
« Ca permet des revenus. Les entreprises donnent de l’argent, nous accompagnent. Il peuvent te proposer +voila ma marque, tu peux faire un sketch?+. En fonction de ta communauté, de la cible qu’elle veut toucher, elle peut te proposer de communiquer sur un produit… Mais ce n’est pas quelque chose de stable », nuance-t-il toutefois, espérant que le numérique, comme ses revenus, vont croître.
Marc de la Boissière, directeur stratégie de l’agence Sixième sens, reconnait qu’il y a encore du chemin à parcourir. « Certains clients ont pris le virage avec une +comm+ 100% numérique, mais ils restent très peu nombreux. Affichage et télé restent le coeur de la communication pour la plupart des annonceurs ».
« Mais ceux qui ne prennent pas le train vont prendre un tel retard que ce sera difficile plus tard », prévient-il. « En Afrique, il y a une croissance exponentielle des smartphones. Ce n’est plus le cas en Europe. Aujourd’hui le numérique pèse 10 à 15% des investissements publicitaires mais on sent que ça frémit et que, d’ici deux à trois ans, ça va représenter 30%, 40% voire 50% des investissements ».