Avec l’accélération mondiale de la transition énergétique, le Sénégal continue de faire face à des défis majeurs en matière d’électrification, malgré ses nombreux atouts naturels et les opportunités offertes par l’exploitation de ses ressources gazières et pétrolières. Pour l’ingénieur en génie énergétique Babacar Ndiogou, il est urgent de repenser en profondeur la gouvernance du secteur, de rationaliser les structures existantes et de s’attaquer frontalement au coût élevé de l’électricité. « Le prix du kilowattheure reste trop élevé. Avec l’exploitation du gaz et du pétrole, le Sénégal a une occasion unique de le réduire, mais cela nécessite une volonté politique claire et une réforme structurelle », affirme-t-il.
Photovoltaïque : un potentiel encore sous-exploité
Babacar Ndiogou déplore que le Sénégal n’exploite pas pleinement son potentiel photovoltaïque, malgré un ensoleillement exceptionnel. Bien que des centrales solaires aient été construites ces dernières années, il estime que les efforts restent fragmentés et peu coordonnés. Cette situation est d’autant plus regrettable que les technologies sont désormais accessibles et que de nombreuses localités rurales restent non raccordées au réseau.
Fusionner l’ASER, l’ANER et l’AEME : vers une nouvelle agence unifiée
Pour remédier aux faiblesses structurelles, l’ingénieur propose une réforme institutionnelle d’ampleur : la fusion de l’Agence sénégalaise d’électrification rurale (ASER), de l’Agence nationale pour les énergies renouvelables (ANER) et de l’Agence pour l’économie et la maîtrise de l’énergie (AEME) en une Agence nationale de l’électrification et de la transition énergétique (ANETE), dotée du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Cette fusion viserait à mutualiser les ressources, éviter les chevauchements, clarifier les missions et améliorer l’efficacité des interventions publiques. Babacar Ndiogou explique que les zones rurales électrifiées par l’ASER dépendent souvent de solutions solaires, relevant du domaine de l’ANER, tandis que l’AEME intervient sur l’efficacité énergétique, un levier clé pour la durabilité du système.
L’ANETE, selon sa vision, s’appuierait sur quatre directions techniques : une Direction des opérations d’électrification rurale (DOER), une Direction des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (DEREE), une Direction du financement (DFEE) et une Direction des études et de la planification (DESP). Cette nouvelle structure aurait pour mandat de mobiliser des financements, de mettre en œuvre une stratégie nationale pour les énergies renouvelables et de suivre un contrat de performance avec l’État, assorti d’objectifs mesurables. Une gouvernance rigoureuse est préconisée, avec des recrutements transparents pour les postes clés via des appels à candidatures.
Modernisation du réseau et appui à la SENELEC
Par ailleurs, Babacar Ndiogou appelle à moderniser les infrastructures énergétiques, renouveler les postes de transformation, étendre le réseau à tous les niveaux de tension et réduire progressivement la dépendance aux centrales électriques flottantes, comme Karpowership. La SENELEC doit être repositionnée comme acteur central du système énergétique national, avec un renforcement de sa gouvernance, de ses capacités de maintenance et de la qualité de service. Il préconise également une ouverture accrue à la production décentralisée via les producteurs indépendants d’électricité (IPP), dans un cadre incitatif clair. La Commission de régulation du secteur de l’électricité (CRSE) devrait, quant à elle, conserver son statut d’autorité indépendante et jouer pleinement son rôle de supervision, avec des audits réguliers basés sur des indicateurs de performance.
Enfin, Babacar Ndiogou insiste sur la nécessité de préparer la transition énergétique du Sénégal vers un mix énergétique durable et diversifié. « Il faut anticiper, planifier, rationaliser et, surtout, agir vite. L’électrification intégrale du territoire est une condition sine qua non pour un développement économique inclusif », conclut-il. Alors que le pays amorce une nouvelle ère énergétique avec ses ressources naturelles, une gouvernance efficace, la création d’une ANETE puissante et agile, et la mobilisation des acteurs publics et privés pourraient marquer un tournant décisif pour un Sénégal électrifié, durable et compétitif.
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