Sénégal – Jeux olympiques de la Jeunesse : « Comme on dit ici : vivement 2022 ! »
REPORTAGE. Lors du marathon de Dakar, le 14 avril dernier, s’est tenu un « kids stadium » pour le lancement des Jeux olympiques de la jeunesse de 2022. Les jeunes sportifs sénégalais racontent leur attente de ce grand événement.
« C’est un rêve qui devient réalité », cette phrase est sur toutes les lèvres, et particulièrement sur celles de Mohamed Kamara, entraîneur de l’équipe nationale de taekwondo, à propos de l’arrivée des Jeux olympiques de la jeunesse à Dakar. « Pour la première fois, un pays d’Afrique va recevoir le comité olympique, c’est très important de montrer qu’on a les mêmes capacités que partout dans le monde », insiste le ministre des Sports, Matar Ba, quelques heures avant le lancement du marathon de Dakar. Un événement qui signifie pour la ville accueillir plusieurs milliers de compétiteurs entre 15 et 18 ans, sur 28 disciplines comme aux JO classiques. Mais surtout : représenter l’Afrique et mettre en avant des talents sénégalais. Comment les jeunes sportifs du pays vivent-ils l’arrivée de ce grand événement ?
Sur le « kids stadium » du marathon de Dakar, où des centaines de sportifs font des démonstrations de boxe, de taekwondo et d’athlétisme, l’entraîneur parle de la « fierté » des jeunes sportifs du pays. Devant son équipe de taekwondoïstes, il est fier de dire que « les JOJ sont avant tout la fête de la jeunesse ». Avant cette annonce, les préparations aux compétitions internationales visaient surtout les sportifs majeurs, avec l’espoir d’atteindre les sélections pour les Jeux olympiques. Il poursuit : « Mais maintenant, c’est aussi pour les plus jeunes : ils se disent que c’est le moment de concrétiser ! » La jeunesse sénégalaise n’a qu’un rêve, se mettre en exergue
JOJ 2022 : tous les jeunes du pays veulent participer
Enfants, adolescents, entraîneurs, tout le monde est pressé : « Comme on dit ici : vivement 2022 », plaisante Mohamed Kamara. Awa, responsable logistique à la direction des Sports de la ville, évoque une demande récurrente, à chaque rencontre avec des jeunes sportifs : « Alors, Dakar se prépare ? Comment on va faire ? Il faut qu’on réussisse bien. » Chacun sait que l’enjeu est de taille, que cette nomination n’est pas seulement celle du Sénégal, qui « organise ces JOJ au nom de l’Afrique tout entière », insiste le ministre des Sports, Matar Ba. Au-delà de l’organisation et même du sport, Awa confie : « Il y a l’aspect humain, qui compte beaucoup. Cet événement les met dans une disposition mentale de gagnants, ça restaure leur fierté. »
Les jeunes sont littéralement surexcités à l’idée de recevoir, et de participer aux Jeux olympiques de la jeunesse. Sous un soleil de plomb en cet après-midi d’avril, Hamidou, 14 ans, enchaîne les figures de taekwondo, sur le kids stadium de la place de la Nation. Il résume en quelques mots le coup de boost qu’a reçu la jeunesse sportive : « Vous savez, ici, quand les gens savent qu’il y a une compétition, ils sont fous de rage, ils veulent s’exprimer, y participer. » Il est enveloppé dans son dobok blanc, une ceinture de couleur bleue nouée à la taille, prêt à retourner en découdre sur le tatami.
Il a commencé à pratiquer l’art martial parce qu’il se battait souvent à l’école. Un de ses grands frères l’a emmené avec lui à son cours de taekwondo, pour canaliser sa colère. Pari réussi pour Hamidou qui se voit maintenant devenir un champion en la matière. Depuis qu’il a appris pour les JOJ, il a revu tout son emploi du temps : « Je ne reste pas beaucoup de temps chez mes copains, je suis en salle et je travaille. » Quand on lui demande combien de temps il y passe, il s’empresse de répondre : « Je m’entraîne 23 heures par… euh 12 heures par jour », rectifie-t-il.
JOJ : motiver les enfants à faire du sport
Sans forcément atteindre 12 heures par jour, la préparation a augmenté pour tous les jeunes motivés à participer aux JOJ. Souleymane Mbaye, champion du monde de boxe en poids super léger, est revenu vivre au Sénégal après des années en France. Il a ouvert sa salle de boxe à Dakar et monté une école de jeunes talents qu’il prépare aux JOJ 2022. Ils sont sept, accueillis dans un centre pour apprendre la boxe et l’art de vivre de sportifs de haut niveau. L’objectif à long terme est de créer une Insep sénégalaise.
Recevoir les JOJ n’est pas qu’une question de sport, pour le champion de boxe et Matar Ba, mais aussi une question d’accès à l’éducation et à la santé. Le sport est un médium parfait. L’équipe de Souleymane Mbaye va dénicher des talents aux quatre coins du pays, chercher des jeunes ailleurs que dans les grandes villes, « pour les sensibiliser à la question du sport et les inciter à retourner à l’école », indique-t-il. Le ministre des Sports du Sénégal voit dans ce « grand événement, un moyen de motiver les parents à inscrire les enfants au sport, de sensibiliser aux questions de santé. »
Cette sensibilisation s’accompagne d’une politique de dynamisation sportive auprès des très jeunes enfants et des adolescents par la ville de Dakar. Et ce, à l’échelle du pays. « On essaye d’intéresser les enfants à des disciplines qu’ils ne connaissent pas autant que le foot ou le basket, comme l’athlétisme, les arts martiaux, l’escrime ou encore l’équitation », confie Awa, de la direction des Sports.
Plus de moyens financiers en dehors du foot et du basket
Selon Yaye Aïta Ndiaye, 19 ans, championne du Sénégal de taekwondo et vice-championne d’Afrique, c’est aussi l’occasion de donner des subventions à ces sports moins médiatisés. « Avec une telle compétition, l’État et la Fédération mettent plus de moyens pour entraîner les jeunes sur des disciplines moins célèbres », explique-t-elle. Les jeunes pressentis pour les JOJ 2022 ne sont d’ailleurs pas les seuls à en profiter.
Entre deux « dollyo tchagui » (coups de pied circulaires), un de ses camarades de l’équipe nationale ajoute qu’il a mis les bouchées doubles sur son entraînement. Il a 21 ans et ne pourra pas participer à l’événement de 2022, mais l’énergie sportive du Sénégal est à son comble. « Apprendre que mon pays allait accueillir une compétition pareille, c’est une immense fierté. Mais surtout une motivation pour les athlètes du pays », confie-t-il, avant de préciser comment il a décuplé ses objectifs : « Je ne m’entraîne plus trois fois par semaine, mais six ! »
Le but ultime derrière les JOJ au Sénégal ? Avoir des champions locaux et redorer l’image des sportifs sénégalais auprès du monde. Hamidou raconte son rêve : « devenir un champion du monde pour que le pays soit vu davantage ». Dans sa salle de boxe, entre le bruit des gants qui claquent, Souleymane Mbaye justifie sa recherche perpétuelle de jeunes talents, « pour que ce ne soit plus aux athlètes africains d’aller en Occident, mais que ce soit l’Occident qui s’intéresse aux héros d’ici ».
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