Mécanique auto : Zoom sur ces femmes aux métiers d’homme
koumpeu.comp–Longtemps réservé aux hommes, le métier de mécanicien automobiliste est maintenant pratiqué par tous. Les femmes qui sont de plus en plus nombreuses à occuper ce secteur de la réparation ou de dépannage, sont dans les ateliers. Finie l’époque où un métier pouvaient être une sorte de chasse gardée d’un sexe. Rewmi Quotidien est allé à la rencontre d’une mécanicienne dans l’atelier mécanique dénommé « Kawsara Fall » de Toll Dias, un petit quartier excentré de Keur Mbaye Fall, né d’une péri-urbanisation à outrance à Dakar.
Ce Samedi, il est 15 heures passées de quelques 12 minutes. Le soleil au zénith a libéré ses rayons à l’origine d’une forte canicule. L’air très sec agresse les narines. Au bout d’une voie en latérite, des guimbardes à carrosseries rongées, rougies par la rouille, servent à la fois de décor et de stock de pièces de secours. Des voitures en panne de toutes sortes attendent de recevoir les « soins » d’une mécanicienne avant de sortir du garage. Sa tenue est simple, est caractéristique : un pantalon quelconque assorti d’un t-shirt maculé d’huile moteur et une cagoule repliée sur la tête pour protéger ses cheveux. Un morceau de carton en guise de tapis, Mame Diarra Sy glisse avec agilité sous une voiture, armée d’une clé plate et d’un testeur électrique. Ses gestes coordonnés sont rapides, précis et bien huilés. Quelques minutes plus tard, elle ressort avec un diagnostic sans appel : il faut remplacer la douille des feux de brouillard avant, et au moins quatre ampoules grillées.
Dans ce garage, neuf apprentis, dont trois filles, nourrissent le rêve de devenir très prochainement des chefs d’atelie,r à l’image de leur patronne Mame Diarra Sy. « Je suis fille d’un mécanicien. Très petite, je pensais que le meilleur des métiers était la mécanique. Jamais je ne voulais aller à l’école pour un jour exercer un métier autre que la mécanique. Mon père qui tenait un grand garage à Colobane, n’aimait pourtant pas voir un de ses fils à l’atelier. Mais j’ai fini par abandonner les classes très tôt pour évoluer sur ses traces » confie-t-elle.
Ils sont sur les lieux, les chauffeurs ce matin. Les uns pour se faire livrer leur véhicule déjà dépanné, les autres pour s’enquérir de l’état d’avancement du dépannage. Et les pannes, elles sont ici facilement détectées. Tous, en tout cas, reconnaissent le talent et le génie de Mame Diarra Sy en la matière. Sa réputation est légendaire. Les clients qui ont découvert son atelier ont dit du bien d’elle. « C’est une femme chaleureuse et accueillante. Elle s’acquitte bien de son travail, respecte les délais de livraison et faillit rarement », souligne Omar Kane, chauffeur d’un taxi. Il poursuit : « C’est d’ailleurs ma mécanicienne préférée. Un ami m’a mis en rapport avec elle quand le moteur de mon véhicule libérait une grande quantité de gasoil. Très vite, elle a trouvé la panne. Elle a fait descendre le moteur, l’a démonté pièce par pièce. Trois jours après, elle me livre mon véhicule », dit ce chauffeur qui confie avoir fait le tour de plusieurs garages sans issue heureuse.
Le métier de mécanicien exige de la patience. Au début, l’apprenti est employé à faire des taches souvent insignifiantes. « Quand arrive un élève, il commence par le lavage des vis qui sont trempées dans de l’huile, puis suit une deuxième étape qui consiste à monter les vis. L’apprenti passe des moments à faire la même chose des mois durant. Souvent, il est frustré mais c’est un passage obligé pour un apprenant en mécanique. Ce fut mon cas avec mon père qui était rigoureux à l’atelier avec moi. Pourtant, à la maison, je suis la plus choyée », explique Mame Diarra Sy qui dit n’avoir jamais failli en matière de rigueur dans l’apprentissage de métier.
Il faut dire que les femmes qui ont investi les domaines jadis réservés aux hommes, ont compris que la mécanique auto ne doit pas être exclusivement l’apanage d’un sexe. Elles sont de plus en plus nombreuses à s’inscrire dans les écoles de formation professionnelle avec comme option la mécanique où le froid. Mais à Dakar où le phénomène de femmes mécaniciennes est nouveau, la présence de ces dernières dans les ateliers suscite réactions et commentaires. Diabou Diop, mécanicienne de son état, a souffert des critiques de la part de ses copines et de son entourage à ses débuts. « Je revenais sale du boulot chaque soir, tachée d’huile, et mes copines se moquaient de moi en me qualifiant de fille-garçon », se souvient-elle. Mais toutes ces railleries ne sont que de vieux souvenirs pour cette mécanicienne qui tient son propre atelier. Elle reconnait avoir beaucoup galéré. Mais aujourd’hui, c’est en toute fierté qu’elle se distingue du lot de mécaniciens, un métier jusque-là peu convoité par les femmes à Dakar. Comme pour dire : on ne naît pas mécanicien, on peut devenir mécanicien ou mécanicienne. C’est moins une question de sexe que de goût.
Sada Mbodj