Manipulations, théories du complot: la désinformation plane sur le procès de P. Diddy

Des photos manipulées d’orgies sexuelles, une chanson aux paroles créées par l’intelligence artificielle… la désinformation menace de déformer la perception publique du procès pour trafic sexuel de P. Diddy à New York.
 
Le chanteur et producteur de hip-hop, qui risque la prison à vie s’il est reconnu coupable, doit répondre de multiples chefs d’accusation: trafic à des fins d’exploitation sexuelle, transport de personnes à des fins de prostitution, ainsi que des actes d’enlèvement, corruption et de violences regroupés sous l’inculpation d’entreprise criminelle.
 
Mardi, son ancienne compagne Casandra Ventura a témoigné que P. Diddy, Sean Combs de son vrai nom, l’avait forcée à avoir des relations sexuelles avec des travailleurs du sexe pendant qu’il regardait et se masturbait, et qu’il la frappait si elle ne se pliait pas à ses ordres.
 
Parallèlement à ces révélations, de multiples théories complotistes se sont fait jour en ligne, amplifiées par les algorithmes des réseaux sociaux. Or, celles-ci risquent de brouiller la compréhension des faits, préviennent des spécialistes de la désinformation.
 
– Justin Bieber –
« Les théories du complot peuvent commencer à avoir l’apparence de la réalité lorsqu’on y est exposé de nombreuses fois », prévient Dan Evon, un des principaux rédacteurs du site de lutte contre la désinformation RumorGuard.
 
« Il est possible qu’une avalanche de mensonges sur le procès Combs oriente ou renforce des idées dans l’opinion », ajoute-t-il.
 
Une chanson intitulée « I Lost Myself at a Diddy Party » (« Je me suis perdu dans une fête de Diddy ») faussement attribuée à Justin Bieber a été entendue des millions de fois sur les plateformes musicales, suscitant une vague de spéculations sur les relations entre les deux stars.
 
Selon le site de surveillance de la désinformation NewsGuard, ce morceau a sans doute été créé par l’intelligence artificielle.
 
Une image a été très partagée en ligne: une photo manipulée montrant Combs et le milliardaire Jeffrey Epstein, qui s’est suicidé en prison en 2019 alors qu’il était inculpé d’exploitation sexuelle de mineures, assis avec le président américain Donald Trump sur un canapé, aux côtés de jeunes femmes.
 
Autre message fallacieux ayant fait florès, la police fédérale (FBI) aurait saisi un enregistrement montrant l’ancienne secrétaire d’Etat et candidate démocrate à la présidentielle, Hillary Clinton, en train de tuer un enfant lors de l’une des orgies sexuelles de Diddy.
 
Ces derniers mois, des créateurs de contenu et influenceurs ont fouillé les vidéos, photos et interviews relatives à l’affaire P. Diddy, et aux célébrités vues avec lui dans le passé.
 
– Mélange explosif –
« Les théories du complot, c’est aussi américain que le base-ball et la tarte aux pommes », remarque A.D. Carson, professeur à l’Université de Virginie et spécialiste de la musique hip-hop.
 
Mais elles forment un mélange explosif avec des affaires à grand retentissement médiatique comme celles de Combs.
 
La défiance envers les institutions et les médias traditionnels a favorisé l’émergence d’armées d’enquêteurs amateurs sur internet, dont la règle de base est que « la vérité n’existe pas » ou que « des puissances supérieures nous cachent la vérité », constate M. Carson.
 
« Bien souvent, la désinformation résulte de ce que les gens estiment eux-mêmes être de la désinformation », ajoute-t-il.
 
Nombre de ces détectives en herbe mettent en parallèle l’affaire Diddy et celle d’autres célébrités mises en cause pour crimes sexuels, dont Epstein, mais aussi l’ancien producteur de cinéma Harvey Weinstein.
 
« Même si les accusations contre Combs sont dignes de foi, les théories du complot vont souvent au-delà des faits établis pour assurer que l’affaire est encore plus importante et sinistre », estime Dan Evon, de RumorGuard.
 
Ainsi, « les rumeurs sur Combs valident à la marge d’autres théories du complot, l’idée qu’il existe une conspiration mondiale de trafic sexuel », selon lui.
 
Dans le pire des scénarios, cette vague de désinformation pourrait influencer les jurés et donc le cours du procès, mettent en garde les experts.
 
« Pour les gens, c’est impossible de ne pas être touché par toutes les théories qui circulent », prévient Alphonse Provinziano, un avocat de Beverly Hills (Californie) à la clientèle de célébrités.
 
« Cela arrive dans chaque procès à forte visibilité », explique-t-il à l’AFP: « la question est de savoir si les jurés respecteront les instructions (de la Cour) et ne seront pas influencés. »

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