Côte d’Ivoire- Affaire cache d’armes : Révélations faites sur les armes découvertes

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L’Intelligent- L’arrestation le lundi 9 octobre 2017 du chef de protocole de Guillaume Soro, par la justice ivoirienne, a laissé éclore autant de réactions que de commentaires. Mais assurément, elle place le Président de l’Assemblée Nationale face à son destin.

Un destin que Guillaume Soro n’a désormais pas d’autre choix, que d’assumer clairement, ou à défaut périr politiquement. Le chef de l’ex rébellion ivoirienne fait face à sa première grande épreuve politique, sans avoir le bénéfice de la pression des armes, ou de la possession du territoire ivoirien pour négocier, comme ce fut le cas du temps de Laurent Gbagbo.

[ Les armes de Soro ]

Aujourd’hui ses armes sont celles de tout le monde : des réseaux sociaux, des partisans, des proches et des collaborateurs en apparence fidèles et engagés ( que l’épreuve devra forcément endurcir, tandis qu’elle peut aussi révéler des « traites » qui pourraient abandonner le navire, si la crise dure et se transforme en une longue traversée de désert ) ,et aussi le sentiment d’avoir des nombreux militants prêts à le choisir dans les urnes, mais pas encore assez organisés dans le cadre d’un parti politique autonome, pour espérer envahir les rues, et manifester de façon démocratique pour réclamer éventuellement la justice, et assumer les divergences et la rupture avec Alassane Ouattara et le Rdr désormais prêts à en découdre.

[ Profil bas en attendant ]

En attendant, ordre semble avoir été donné par Guillaume Soro à ses lieutenants de faire profil bas, ou de ne pas envenimer la situation, au-delà des réactions légitimes de soutien à Soul to Soul, et de colère étouffée sur les réseaux sociaux. De son côté, l’opposition ivoirienne semble un peu se satisfaire de la « toute première décision courageuse », prise selon elle, par le président Alassane Ouattara, contre la justice dite de « vainqueurs ».Des pro-Gbagbo jubilent même déjà, espérant avoir la possibilité, pas lointaine ,de ramasser le pouvoir, après le clash que pourrait provoquer, selon eux, cette arrestation au sein de la coalition au pouvoir.

[ Retour en arrière ] 

Dans un rapport remis au Conseil de Sécurité le 15 mars 2016, et rendu public le 4 avril de la même année, des experts chargés de la surveillance d’un embargo sur les armes imposé par l’ONU sur la Côte d’Ivoire déclaraient que les Forces Nouvelles, dirigées par Soro Guillaume, ont acquis une quantité importante d’armes et de munitions (300 tonnes selon les estimations) soit 30% des armes de la Côte d’Ivoire, au lendemain de la crise post électorale. Ces armes portaient les numéros de série et de lot de livraisons d’armes importées par le Burkina Faso entre Avril et Août de 2011. Les achats d’armes ont été organisés par le général Gilbert Diendéré, selon les enquêteurs, le tout en violation de l’embargo sur les armes imposé par l’Onu en 2004.

[ Le contexte de l’achat de ces armes ]

Après les évènements de Bouaké en Novembre 2004, la Côte d’Ivoire avait été mise sous le verrou par le Conseil de Sécurité de l’ONU lui imposant plusieurs sanctions ciblées comme le gel d’avoirs et des interdictions de voyages, mais aussi l’embargo sur les importations d’armes. Lorsque Alassane Ouattara arrive au pouvoir en 2011, le Conseil de Sécurité lève partiellement cette dernière sanction en 2012 « pour permettre l’acquisition d’armes ou d‘équipements non létale ». À partir de cet instant, rapportent les experts onusiens, il n’y aura plus de limite à l’achat direct ou indirect, d’armes pour une armée qui connaissait de nombreuses carences, et disposait d’un matériel obsolète.

[ Démenti de Soro ]

« Les enquêteurs sont des médiocres farceurs » avait réagi en avril 2016, le président de l’Assemblée Nationale qui ne sera pas inquiété ni par la justice ivoirienne, ni par une quelconque sanction onusienne. Une situation mise aujourd’hui à mal avec cette arrestation de son très proche collaborateur, alors que Touré Moussa parle de dépôt d’armes et non de caches, tandis de son côté la justice ivoirienne n’entend pas les choses de cette oreille.

[ Pour Ouattara il y’avait bien une volonté d’atteinte à la sûreté de l’État ]

À la fin de la crise post électorale qu’il a gérée au niveau militaire en ses qualités et casquettes de Premier ministre et ministre de la défense de Ouattara, et de SG des Forces nouvelles, c’est pourtant Guillaume Soro lui-même qui, à son départ de la Primature, est allé voir le chef de l’État ivoirien pour restituer les armes dont il avait eu la garde et la gestion au cours des événements.

Déjà un peu méfiant et prudent à l’époque, Alassane Ouattara lui demande de garder encore ces armes, le temps que l’ONU fasse le point pour savoir combien d’armes ont été commandées et fournies, afin de savoir si le compte est bon. Par la suite en 2013, le gouvernement lance un appel pour la restitution de toutes les armes. En l’absence éventuelle d’une « requête personnelle, directe et précise » à son égard, Guillaume Soro a-t-il pu penser qu’il n’était plus concerné par l’appel à déposer les armes, lancé par le Conseil national de sécurité en 2013-un appel clairement cité par le Procureur de la République, Adou Richard- ?

Toujours est-il que la plupart des chefs militaires des Forces nouvelles rendent alors les armes qu’ils détiennent .

Au cours de la période, la police, la gendarmerie et l’armée ivoiriennes ont des difficultés à acquérir certaines armes et munitions au motif selon l’ONU , qu’elles devaient être dans les armureries du pays : d’où l’affaire des trois cent tonnes dévoilées. Pendant ce temps, Alassane Ouattara et les chefs militaires n’avaient aucune trace de ses armes, qui auraient été cachées à des endroits différents, dans des forêts et endroits perdus, et qui seraient difficiles à rassembler. Lorsque la découverte des armes est faite à Bouaké lors de la mutinerie, Alassane Ouattara est un homme meurtri : il a le sentiment que Guillaume Soro l’a trahi , et a essayé de le rouler dans la farine. Quelque chose se brise à ce moment-là.

[ Ouattara affaibli ]

Le temps passé depuis lors, n’a pas permis de recoller les morceaux, malgré certains éléments de défense de Guillaume Soro comme celui relatif à la saisie de son ordinateur dans sa villa par la justice burkinabè, à Ouagadougou en 2014. Une saisie qui ne lui permet pas de savoir de quels types d’armes, il s’agissait à Bouaké. Alassane Ouattara n’y croit pas : la chute de Blaise Comparé a eu lieu en Octobre 2014, alors que l’appel à déposer les armes date de plusieurs mois avant, en 2013.

Pourquoi lier les deux événements, et comment plaider l’oubli s’agissant de l’existence de caches d’armes , s’interroge le chef de l’État ivoirien, désormais affaibli face aux anti-Soro de son entourage mécontents pendant longtemps de le savoir très protecteur et bienveillant ( affaires des écoutes téléphoniques à Ouagadougou et convocation par la justice française ), à l’égard de son ex Premier ministre, chaque fois qu’ils tentaient de démontrer que sa main était derrière un mauvais coup contre le régime.

[ Faire mal à Soro pour lui faire du bien ]

Cette arrestation de Soul To Soul peut-elle être considérée comme une excellente fenêtre ouverte, afin que Guillaume Soro cesse de « ruser », pour saisir enfin son destin en main là où il n’avait pas eu encore l’audace d’oser lui-même la rupture définitive avec le camp Ouattara , lors de l’épisode de son refus de participer au Congrès du Rdr ? Il n’avait alors pas osé faire cette rupture définitive , dont Alassane Ouattara ne voulait pas non plus prendre l’initiative, malgré tout. Mais voilà c’est fait désormais !

[ L’épreuve au cœur du parcours de tous les Présidents ivoiriens]

De Félix Houphouêt-Boigny à Alassane Ouattara, tous les présidents qui ont dirigé la Côte d’Ivoire ont connu leur temps de purgatoire et d’épreuves . Le père de la Côte d’Ivoire a eu des déboires avec le colonisateur. Bédié a été accusé de surfacturation, et a subi une disgrâce avant de revenir. Pareil pour Robert Guéi avant d’accéder brièvement au pouvoir. Nul n’est pas besoin de rappeler le parcours semé d’embûches aussi bien d’Alassane Ouattara, que de Laurent Gbagbo, alors que celui-ci n’en a pas encore fini.

Aujourd’hui, il s’agit de la première grande épreuve politique de Guillaume Soro sans cette fois-ci les armes, car même s’il a échappé à un assassinat en 2007 à Bouaké, c’était dans une situation où malgré tout, il disposait encore d’armes et de moyens de pression, qui ne sont plus à portée de main, a priori.

L’occasion est là pour qu’il se forge, et pour qu’il se donne la carapace de futur président de la Côte d’Ivoire, si tant est qu’il est exact qu’il incarne une attente vraie et réelle, un désir d’une alternance générationnelle. Même s’il est encore prévu de le faire partir de la tête du Parlement ivoirien dans la séquence de la rupture et de l’affrontement, l’objectif de Ouattara et du Rdr n’est nullement de le tuer politiquement, ni de l’empêcher d’être candidat en 2020, mais plutôt de clarifier le jeu politique national, comme lors du coup de colère contre Mabri Toikeuse, Gnamien Konan au moment des législatives de 2016 , ou même comme le limogeage de Niamien Ngoran pour rappeler Henri Konan Bédié et le Pdci à l’ordre.

Personne au Rdr ne semble avoir envie d’empêcher Guillaume Soro d’être candidat en 2020. Au contraire, il pourrait peut-être s’agir de l’aider à se libérer des engagements et des contraintes que son ancrage au RDR lui impose, pour qu’il déploie enfin son plan et qu’il parte à la rencontre du peuple et de son destin, sans avoir à rendre compte ni à Bédié, ni à Ouattara, sans avoir à demander leur autorisation , sans les laisser décider à la place des jeunes, et des ivoiriens.

Guillaume Soro et les siens ne voulaient pas subir Amadou Gon Coulibaly, Hamed Bakayoko, Daniel Kablan Duncan, Ahoussou Jeannot, Charles Diby Koffi, ou tout autre choix de Bédié et de Ouattara pour 2020 ( au motif que Soro serait le meilleur candidat ), voici que le clan Ouattara leur donne l’opportunité d’assumer au grand jour leur agenda.

Mais d’ici 2020, Guillaume Soro devra trancher le cas de certains de ses proches supposés qui auraient été cooptés pour figurer dans le prochain Secrétariat général du Rdr, devant être publié incessamment.

Doivent-ils y rester pour continuer à avoir un œil à l’intérieur du pouvoir , au risque de ne pas grossir les rangs des vrais Soroistes qui s’afficheront de plus en plus au grand jour, ou bien doivent-ils claquer la porte comme Sidiki Konaté, étant entendu qu’il est clair que Guillaume Soro lui-même n’est plus dans les plans du parti, pour le poste de vice-président?

Le temps de la politique a commencé, après le temps des armes.

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