Ces dernières années, la BCEAO a relevé à plusieurs reprises son taux directeur pour faire face à la montée de l’inflation. Cet indicateur, souvent présenté comme un levier prépondérant pour contrôler les prix et réguler l’économie, influence en réalité bien plus directement le coût de l’argent que les prix en eux-mêmes. Au Sénégal, ses effets restent donc partiels, surtout dans une économie où les mécanismes de transmission monétaire sont encore limités.
Concrètement, quand la BCEAO augmente son taux directeur, cela signifie que les banques doivent payer plus cher pour emprunter de l’argent auprès d’elle. Elles répercutent ensuite cette hausse sur leurs clients : les prêts deviennent plus coûteux pour les entreprises comme pour les ménages. Résultat : certaines entreprises repoussent leurs investissements, et des ménages renoncent à demander un crédit.
Cette conjoncture touche particulièrement les petites entreprises et les indépendants, qui ont déjà un accès difficile au crédit. Dans un pays comme le Sénégal, où une grande partie de l’activité économique reste informelle ou peu structurée, ces hausses peuvent freiner l’élan de certains secteurs qui cherchent à se formaliser ou à se moderniser. Les grandes entreprises, elles, sont généralement mieux outillées pour absorber ce coût supplémentaire.
Mais le lien entre taux directeur et inflation est loin d’être automatique. L’inflation observée au Sénégal ces derniers mois vient en grande partie de facteurs extérieurs : hausse des prix du carburant, du riz, des engrais ou encore des intrants agricoles. Dans ce contexte, même si l’argent devient plus cher, cela ne suffit pas à faire baisser les prix sur les marchés.
En réalité, le taux directeur joue surtout un rôle de signal économique : il montre l’orientation que la BCEAO souhaite donner à l’économie, en faveur d’un certain équilibre. Mais au quotidien, d’autres leviers, comme les politiques de subvention, les investissements publics ou les mesures fiscales, ont souvent des répercussions plus immédiates sur la vie des Sénégalais.
Une autre limite réside dans le fonctionnement de la politique monétaire qui est pensé à l’échelle de l’UEMOA, et ne tient pas toujours compte des réalités spécifiques à chaque pays. Le Sénégal, par exemple, peut avoir des priorités différentes de celles du Niger ou du Bénin, mais tous doivent composer avec le même cadre.
Ainsi, si le taux directeur reste un instrument important, son efficacité dépend surtout de l’environnement économique local, de la structure du système bancaire et de la capacité des autorités nationales à agir sur les autres leviers économiques. Dans le cas du Sénégal, c’est donc un outil utile, mais insuffisant à lui seul pour répondre aux défis du moment.