Le Sénégal fait face à des difficultés financières face à la dégradation de sa note à l’international et le refus du Fmi de signer un nouveau programme d’accompagnement.
Depuis lors, les initiatives se multiplient pour trouver des financements endogènes. A côté de la recherche de financement, il y a aussi la rationalisation qui tarde à se mettre en place. Jusqu’ici, on regarde plus du côté des agences dont les missions se chevauchent ou au fonctionnement de certaines institutions comme la présidence, la primature ou l’Assemblée nationale.
On oublie très souvent certaines structures comme les sociétés publiques ou parapubliques. Pourtant, les directeurs généraux de ces entités bénéficient presque tous d’un traitement royal. On pense notamment à des structures comme le Port autonome de Dakar, Apix, Artp, La Poste, Senelec…
Sous Abdoulaye Wade, certains directeurs comme Amadou Kane Diallo du Coseg s’étaient attribué un salaire de 12 millions par mois. Celui de l’Artp avait 8 millions. Bref, les directeurs se sucraient avec l’argent public.
Une fois au pouvoir Macky Sall a voulu mettre fin à cette bamboula. Le salaire maximum a été fixé à 5 millions pour les agences d’exécution de catégories 1 contre deux millions pour ceux qui sont au bas de l’échelle des sociétés et agences d’exécution. Il s’y ajoute une indemnité différentielle et une prime annuelle de rendement plafonnée à 35% du salaire de base annuel. L’esprit de cette loi devait amener les directeurs des sociétés publiques à suivre l’exemple, faute de législation.
Mais aujourd’hui, on se demande ce qu’il en est à la lumière de la polémique sur les supposés 7 millions de salaire de Fadilou Keita Keita, DG de la CDC. La réponse du concerné indique que le plafond a sauté, s’il a jamais existé du côté des sociétés. « Même si tous les salaires des directeurs généraux étaient ramenés à cinq millions, l’impact sur le budget serait minime ». Autrement dit, des DG, lui en premier sans doute, perçoivent à ce jour plus de 5 millions par mois. On aimerait bien connaître le salaire des DG du Port, de l’Artp, de la Lonase, de la Senelec…
Pourtant, malgré les efforts de rationalisation de l’ancien régime, il reste évident que les directeurs généraux sont les enfants gâtés du système. Un salaire de 5 millions dans un pays aussi pauvre que le Sénégal. Non seulement les DG gagnent plus que le président (4,8 millions) et son PM (4 millions) qui sont pourtant responsables devant la nation, mais certains DG ont également une rémunération supérieure à celle de leur ministre de tutelle qui se contente de 3,9 millions. Ici, l’argument de la responsabilité ou de la contribution dans les caisses de l’Etat ne résiste pas à la réalité, puisque le ministre, le Pm ou le président ont chacun des responsabilités plus lourdes et une exposition plus risquée.
A ce traitement peut s’ajouter une indemnité de départ hors norme. En septembre 2020, Me Moussa Diop a été limogé de la direction générale de Dakar dem dikk. Quelques mois après, une polémique avec son successeur Oumar Boun Khatab Sylla a révélé que l’ancien DG avait conclu un accord avec le conseil d’administration de Dakar dem dikk pour une indemnité de départ de 120 millions. Le montant devait être payé par tranche de 30 millions et Moussa Diop avait encaissé une première tranche. Mais à date échue pour la deuxième tranche le DG Sylla a refusé de payer. Ce qui a donné naissance à la fois à une bataille médiatique et judiciaire.
Cette polémique avait eu le mérite de révéler au grand public une réalité qu’il était loin d’imaginer : allouer une indemnité de départ de 120 millions F CFA à un directeur d’une société publique, déficitaire de surcroît.
En effet, Dakar dem dikk reçoit chaque année une compensation de l’Etat afin de maintenir ses tarifs. Il apparaît donc clair aux yeux de tous que l’option de la société n’est pas économique mais plutôt sociale.
L’Etat ainsi que le conseil d’administration savent donc que Dakar dem dikk ne pourra pas réaliser de bénéfice, sauf si le modèle change. Ainsi, accorder à son DG 120 millions d’indemnité revient à puiser dans les montants alloués par l’Etat pour enrichir un individu.
A titre comparatif, le ministre du transport qui est le patron du directeur de Dakar dem dikk ne bénéficie que de 6 mois de salaire en cas de départ du gouvernement. Et il faudrait qu’il ne trouve pas d’emploi durant ce semestre pour garder cet avantage. Si l’on sait que le ministre à un salaire de 3,9 millions (2,9 millions plus un million d’indemnité de logement), cela représente en tout 23,4 millions comme accompagnement.
Jusqu’ici, à moins que ça ne soit une mesure cachée, on n’a pas connaissance d’une indemnité de départ d’un ministre. On comprend alors que les 120 millions représentent une manne que rien ne justifie. Et pourtant, DDD n’est presque rien en volume financier à côté du Port, de la Senelec…
Malheureusement, même après cette polémique, on n’a pas connaissance d’une mesure prise par l’ancien ou l’actuel chef de l’Etat pour fixer un plafond dans un cas pareil, contrairement à la mesure salutaire prise par Macky Sall sur les salaires des DG des agences. Ce qui veut dire que des DG ont pu bénéficier ou continuent même peut-être à bénéficier d’indemnité de départ déraisonnable dans un pays aussi pauvre que le Sénégal. Sans compter des dérives comme l’utilisation des véhicules de la société dans une activité politique à l’image de La Poste sous Ciré Dia.
Le tandem Diomaye-Sonko ayant promis plus d’orthodoxie dans la gestion des biens et des deniers publics, on espère qu’une décision présidentielle interviendra pour mettre fin ou prévenir certaines folies auxquelles des politiciens indélicats ne manqueront pas de se livrer avec l’argent du contribuable. Il y va de la confiance des Sénégalais qui sont régulièrement sollicités pour accompagner le plan de redressement, mais aussi le plan Sénégal 2050.
Si jamais ils découvrent que des politiciens empochent des dizaines de millions simplement parce qu’ils doivent quitter un poste, la confiance dont bénéficie l’actuel régime pourrait être sérieusement entamée.