L’État 100% numérique de Macron coûtera 9,3 milliards d’euros!
Comment financer « l’État-plateforme 100% numérique » promis par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle ? Le Grand Plan d’Investissement 2018-2022, remis ce lundi 25 septembre au Premier ministre, Edouard Philippe, en dit enfin un peu plus.
Jean Pisani-Ferry, son rapporteur, donne le ton d’entrée de jeu. « Il faut repenser profondément et durablement les missions des acteurs publics, État, opérateurs, collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale« , écrit-il en préambule. L’objectif ? Transformer l’État grâce aux nouvelles technologies, à la fois pour simplifier la vie des citoyens et des entreprises, qui se plaignent des fameuses lourdeurs de l’administration française, mais aussi pour « maîtriser durablement la dépense publique« . Autrement dit : diminuer la dépense publique tout en la rendant plus efficace.
Au total, le Grand Plan d’Investissement prévoit d’injecter 57 milliards d’euros d’ici à 2022 « pour une action publique plus transformante, plus concrète et projetée sur les projets d’avenir« . De cette somme, 9,3 milliards d’euros seront consacrés à la « construction de l’État numérique », dont 4,4 milliards d’euros au titre du chantier Action publique 2022, et 4,9 milliards d’euros spécialement consacrés au développement de l’e-santé. Ces montants s’ajoutent aux 10 milliards d’euros du fonds pan-européen dans l’innovation porté par la France et l’Allemagne, financé du côté français par la vente de participations minoritaires de l’État dans des entreprises non-stratégiques.
■ 1,9 milliard d’euros pour dématérialiser les démarches administratives
Démarches obsolètes, doublons, aberrations – l’obligation d’imprimer sa déclaration de vol en ligne puis de la présenter au commissariat afin que l’agent la tape lui-même manuellement dans son logiciel -… Si Emmanuel Macron a promis de dématérialiser 100% des services publics d’ici à 2022, le défi paraît colossal tant la France part de loin. Jean Pisani-Ferry semble en être conscient en prônant leur « simplification en profondeur », « en concertation avec les citoyens ». L’objectif de 100% des démarches a d’ailleurs été abandonné, puisque les titres d’identité, qui représentent pourtant un chemin de croix pour de nombreux Français, ne seront pas concernés…
Néanmoins, une enveloppe de 1,9 milliard d’euros, mobilisée sur les budgets d’investissements informatiques des ministères, sera allouée pour rester dans les temps. Le plan prévoit la suppression des « démarches obsolètes » et la création de « nouveaux services à valeur ajoutée ». Les ministères concernés devront identifier « dans les prochains mois » les démarches auxquelles il faut s’attaquer en priorité, mais la transformation numérique de la Justice devra en faire partie.
Sur la méthode, le rapport préconise de s’appuyer sur le dispositif des startups d’État. Créé en 2015, il compte déjà quelques succès à son actif, comme la dématérialisation des procédures administratives relatives à la maison départementale des personnes handicapées (HDPH), déployée avec succès dans trois départements.
Les investissements réalisés devront avoir « un effet direct pour le citoyen ». Sont ainsi envisagés le développement des moyens de paiement pour les services publics, des impôts aux musées en passant par la cantine scolaire. L’e-paiement (via carte bancaire, prélèvement, PayPal, Paylib, Paybyphone ou encore Apple Pay) devrait devenir la norme. Le programme « Dites-nous le une fois », qui consiste à supprimer des demandes d’informations redondantes car déjà connues de l’administration (les fiches parents pour les écoles, le chiffre d’affaires pour les démarches des entreprises), pourrait aussi faire partie des priorités.
■ Un « fonds pour la transformation publique » de 700 millions d’euros
Pour « armer » les administrations face aux réformes, l’État prévoit de dépenser de l’argent pour en gagner. C’est le but de ce « fonds pour la transformation publique », doté de 700 millions d’euros. Son existence part du constat que chaque grande réforme est appréhendée par les ministères et par les administrations avec un « fort biais court-termiste » lié à la durée de vie du ministre à son poste, une « défiance mutuelle », et une « difficulté des réorganisations », en partie à cause de la faible mobilité des agents publics entre services.
Les 700 millions d’euros devront financer, sur la base d’appels à projets auprès des ministères, « tout type de réforme permettant de dégager rapidement des économies, qu’il s’agisse de réformes de grande envergure ou de projets à dimension plus restreinte ». Avec une philosophie : chaque euro investi devra engranger un euro d’économie annuelle à un horizon de trois ans.
Les « contrôles de toute nature qui portent sur les entreprises »(fiscalité, droit du travail, réglementation sanitaire, douanière, etc.), souvent critiqués pour leur mauvaise coordination car ils peuvent intervenir dans un laps de temps assez court sur une même entreprise, devraient faire partie du dispositif.
« Le développement d’outils numériques par l’administration pour hiérarchiser et coordonner ces contrôles permettrait de limiter leur nombre et ainsi de dégager du temps agent pour une réduction des effectifs et un renforcement des fonctions d’accompagnement qui transformerait positivement la relation entre les entreprises et les administrations », écrit le rapport.
■ 1,8 milliard d’euros pour « accompagner » les collectivités
L’autre volet de la réussite de la numérisation de l’État concerne les collectivités. « La France investit deux à quatre fois moins que le Royaume-Uni ou l’Allemagne dans l’accompagnement du changement consécutif aux grandes réformes« , écrit Jean Pisani-Ferry. En cause : la faible capacité d’accompagnement des administrations et des agents publics.
D’où la nécessité, d’après le rapport, de moderniser le système de formation statutaire des agents (1,5 milliard d’euros), notamment en développant leurs « compétences numériques ». Le rapport reste néanmoins flou sur l’utilisation de cette manne financière. Enfin, l’État consacrera également une enveloppe de 300 millions d’euros pour « accompagner les collectivités territoriales dans leurs efforts de transformation ».
■ 4,9 milliards d’euros pour numériser le système de santé
Enfin, la transformation numérique de l’État ne serait pas complète sans une profonde réforme de l’offre de santé, qui reste un levier majeur pour répondre aux enjeux des territoires comme les déserts médicaux, l’accès aux soins, la prévention et la qualité des soins. Surtout à une période où les inégalités se renforcent entre les centres urbains et les campagnes.
4,9 milliards d’euros seront donc investis pour « transformer l’offre de soins et de placer la France parmi les leaders économiques dans le secteur de l’e-santé ». Dans le détail, 3 milliards d’euros devraient être mobilisés pour « moderniser et renouveler les équipements techniques et immobiliers hospitaliers ». 1 milliard d’euros devrait servir à « accompagner la numérisation du système de santé et de cohésion sociale ». 500 millions d’euros seront alloués à la recherche médicale, et 400 millions d’euros au développement des maisons de santé pluri-professionnelles et des maisons de santé. Ces programmes devront s’inscrire « en cohérence » avec la stratégie nationale d’e-santé 2020, et leurs contours restent à préciser avec l’ensemble des acteurs et partenaires