Nigeria : le tragique sort des « mauvais » bébés
Koumpeu.com–Existerait-il de mauvais enfants ? La question a beau relever des récits de quelque mythologie, c’est pourtant l’implacable réalité au sein de l’ethnie Basso Komo dans la localité de Kaida au sud-ouest d’Abuja, capitale du Nigeria. À la découverte de la machine à broyer les enfants « avariés ». Il s’agit des jumeaux, des albinos, des enfants nés avec des malformations congénitales dont le bec-de-lièvre, des enfants dont les dents supérieures poussent avant les dents inférieures.
Ce sont aussi ces bébés dont les mères meurent pendant l’accouchement. Ces êtres n’ont pas droit à un traitement humain. Ils sont plutot voués au traitement réservé à un produit avarié. Vous l’avez compris, ils sont purement et simplement détruits. Comme on détruirait un produit impropre à la consommation. Et la destruction se fait selon un protocole bien déterminé. « Les bébés sont généralement tués avec des plantes vénéneuses, ou ceux dont les mères meurent en couches sont enterrés avec elle, ou abandonnés dans une pièce jusqu‘à ce qu’ils meurent de faim, selon le couple », rapporte le site de la Radio télévision belge (RTBF). Des pratiques qui existent depuis la nuit des temps. Et qui sont légitimées au nom de la culture. Cette culture qui insinue que ces enfants sont des malfaiteurs ou sources de malheurs. “Les gens craignent que s’ils ne les tuent pas, ils tueront leur mère ou leur père”, confie Musa Lakai, chef du village de Kaida au site nigérian news. trust.org. Et pour se soustraire à la loi qui réprime l’infanticide quel qu’en soit l’auteur, certains parents éliminent leurs enfants en toute discrétion. Option différente pour Aisha Ayuba, une femme de 29 ans. Il y a huit ans, elle a confié Mabel et Bethel à la Fondation Thomson Reuters. Un geste qui a épargné les jumelles du tragique traitement qui devrait leur être administré. “Si je gardais les enfants, quelqu’un les tuerait”, se souvient Ayuba. Animée par un couple de missionnaires, la Fondation Thomson Reuters accueille des enfants victimes de certains us et coutumes nigérians.
L‘État nigérian dépassé
De 20 en 2005, le nombre de pensionnaires est passé à 112 enfants âgés dont l‘âge varie entre une semaine et 14 ans. Mais, l’initiative de la Fondation Reuters est loin d‘être une solution durable, car les populations continuent de se cacher derrière la coutume. « Comme chaque groupe, nous avons nos propres cultures et croyances », se défend un habitant de Kaida. Pire, encore, l‘État nigérian semble dépassé par le phénomène. Notamment par le déni ou la négation concertée des populations sous l’impulsion des chefs traditionnels et des chefs de communautés. «Très souvent, les gens nient qu’une telle pratique existe, mais à ce jour, nous le savons, elle existe», déplore Garba Abari, directeur de l’Agence nationale d’orientation (NOA). Et qui sait combien de « mauvais » enfants ont déjà été sacrifiés sur l’autel des traditions depuis des siècles ? Qui peut imaginer ce que ces « mauvais » enfants auraient apporté à l’humanité si on ne les avait pas tués ? Si aucune loi humaine n’est aussi immuable que les principes divins, il y a une impérieuse nécessité pour l’Afrique de revisiter ses traditions pour proposer des pratiques universellement admissibles et digestibles. Comme ça, les Africains seraient en parfaite harmonie avec ce que Léopold Sédar Senghor appelle « civilisation de l’universalité ».
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