Une république qui danse ne peut protéger ses magistrats. Par Ousseynou Ly

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« Le pouvoir rend fou, et le pouvoir absolu rend absolument fou » John Emerich Dalberg, Lord Acton.
Quand on observe le xawaare apériste, couvert par le manteau étatique, tenu au CICAD le 29 août 2018, un jour ouvré, à des heures de service, et qui a mobilisé, entre danse et transe, Président de la République, Premier Ministre, Ministres et Directeurs Généraux, en somme, toute la République, pour trouver des parrains au candidat Macky Sall, si ce n’est pas le pouvoir qui rend fou à ce point, quelle autre explication trouver ?
Pas besoin de s’attarder sur les propos de Pa Allemand Niasse, dinosaure de 79 ans à l’expérience politique périmée, distributeur automatique d’insultes et de menaces. En effet, tout agissement venant de lui ne saurait nous surprendre, car ses larmes d’hier (lorsqu’il a été élu Président de l’Assemblée Nationale) expliquent son comportement d’aujourd’hui. Je salue au passage la lucidité des Sénégalais de ne lui avoir jamais confié les rênes de notre Nation. Dieu fait bien les choses.
Je ne perdrai pas de temps non plus sur les propos de Oussou Tëlé Dieng, Monsieur nommé jamais Élu, l’homme politique dont l’expérience se résume à des coups-bas et des cabales contre ses rivaux, un des premiers théoriciens du « Rouleau compresseur de l’État ». Ce Monsieur qui préside l’organe le plus improductif dans l’architecture de l’État – à son image d’ailleurs – n’a qu’un CDD dont le renouvellement dépend exclusivement de son degré de soumission à la Dynastie Faye-Sall. Il a renié son idéologie politique pour un compagnonnage rémunéré à hauteur de 9 millions FCFA par mois avec 50 millions d’argent de poche, défalqué sur notre budget national.
À l’incongruité de la présence de ces fossiles politiques, s’ajoute celle surprenante des jeunes qui remplissent la salle, un jour ouvré et à des heures de service. Cela traduit l’endémique chômage dans ce pays ou, au contraire, la promotion de l’incivisme et du manque de conscience professionnelle. Nous pencherons plus pour la première thèse, car l’APR est le seul parti politique qui compte une Association des Chômeurs de l’Émergence. Quel bel oxymore ! Le ridicule ne tue plus dans ce pays où la présence dans ce genre de cérémonies est le seul moyen pour certains jeunes de se faire un peu d’argent de poche.
Au-delà de la forme qui est un véritable détournement des moyens de l’État et une banalisation de ses institutions, le fond de ce Taaxuraan de la Coalition Benno Bokk Youza* ne contribue pas à apaiser le climat politique actuel, le champ politique hypertendu d’une présidentielle d’exclusion et de tentatives diverses de manipulations. Les déclarations de Wacaaca Sall, de Pa Allemand Niasse et de Oussou Tëlé Dieng constituent de ce fait un véritable mépris envers les populations et leurs aspirations au développement économique et à la démocratie.
Les propos de Wacaaca Sall en particulier interpellent tout citoyen soucieux des valeurs républicaines. Certes les Magistrats sont protégés par la loi, mais cette dernière est votée par le Peuple à travers ses mandants et est au-dessus de tout le monde. Mieux, un pouvoir doit-il protéger un autre ? Sommes-nous dans le principe de séparation des Pouvoirs ou dans une logique de superposition des pouvoirs ?
Or, nous voulons bien fermer les yeux et croire à la bonne foi du Chef de l’APR qui profite du lancement de la collecte de parrains pour lancer des injonctions au Garde des Sceaux de réagir après les supposées attaques contre des Magistrats, mais ses actes trahissent la volonté qu’il affiche.
Pourtant, devant lui, il a un Ministre qui a qualifié les juges d’une cour communautaire de corrompus. Rien ne s’est passé. Devant lui, il a un Ministre qui a qualifié de Petits Fonctionnaires les Magistrats d’un respectueux organe de contrôle. Rien n’a été dit. Parmi ses proches collaborateurs, il a un député qui a insulté l’institution que représente le Président de la République qu’il est et a qualifié d’incompétents les Juges de ce pays. Il est reçu nuit et jour. Si tous ces gens-là travaillent avec lui et sont même encore présents dans la salle sans être interpellés, c’est parce que sa volonté de protéger les Magistrats de ce pays n’est pas bien réelle.
Si la Justice est rendue au nom du Peuple, ce dernier a un droit de regard et d’appréciation sur ce qui est rendu en son nom. N’assimilons pas ces appréciations à des insultes. Ce sont les membres de cette Magistrature qui ont été les premiers à reconnaître les maux qui gangrènent leur métier. À la dernière Assemblée Générale de l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS), le Président Souleymane Téliko nous apprenait qu’il était impossible de nier l’ampleur du phénomène de la corruption dans leur milieu. Où est l’insulte ?
Quant à vos propos à l’endroit des opposants, permettez-moi de vous rappeler que ni Ousmane Sonko ni Khalifa Sall encore moins Idrissa Seck ne sont vos opposants. Ce sont des candidats à la conquête des suffrages des Sénégalais sans aucune fixation sur le Palais dont vous craignez de sortir. Votre véritable opposition, c’est le Peuple et l’incurie de votre camp qui vous met dans cette alternative de gagner ou périr.
Entre le peuple et vous, dansera bien, qui dansera le dernier !

Patriotiquement

Ousseynou LY
Militant de Pastef – Médina

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