Comment le petit Qatar est devenu si riche si rapidement

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En à peine 50 ans, le Qatar est passé d’un pays pauvre de pêcheurs à un géant du pétrole et du gaz dont le PIB par habitant figure parmi les plus élevés du monde.

L’annonce, le 5 juin dernier, d’unerupture des relations diplomatiques entre le Qataret certains de ses voisins, a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Cette crise pourrait avoir de désastreuses conséquences économiques pour la minuscule péninsule passée, en à peine 50 ans, d’un pays pauvre de pêcheurs à un géant du pétrole et du gaz dont le PIB par habitant est l’un des plus élevés du monde.

Protectorat britannique

Au début des années 1900, le Qatar est gouverné par la famille Al-Thani. Un an après avoir reconnu le Cheik Abdulah bin Jassin Al Thani comme dirigeant du Qatar, le pouvoir britannique signe en novembre 1916 un traité de protectorat avec les Qataris, identique à ceux que l’empire colonial a négociés avec les autres pays du golfe Persique. Les Britanniques offrent ainsi leur protection au Qatar. En échange de quoi, les Qataris renoncent à céder des territoires ou à entamer des négociations sans le consentement des Britanniques. Le Qatar vit alors essentiellement de l’industrie perlière et de la pêche. La population, très pauvre, souffre de malnutrition, et connaît une période particulièrement difficile dans les années 1920 quand le commerce de la perle s’effondre.

Producteur pétrolier

En 1939, du pétrole est découvert à Dukhan, à l’ouest du Qatar. Mais l’exploitation ne commence qu’en 1949 en raison de la seconde guerre mondiale. En 1951, le Qatar produit 46.500 barils de pétrole par jour et augmente ainsi ses revenus à 4,2 millions de dollars. Avec cet argent, le Qatar amorce son processus de modernisation. Les années 50 voient naître la première école, un hôpital, une centrale électrique, une usine de dessalement et les premiers téléphones. Dans les années 60, les recettes pétrolières continuent d’augmenter et la famille Al-Thani renforce son emprise sur le gouvernement central. Tous ses membres se voient accorder des privilèges exorbitants.

L’indépendance

Le Qatar obtient son indépendance en 1971, conséquence du retrait de la Grande-Bretagne de toutes ses obligations militaires à l’est du Canal de Suez. Le 22 Février 1972, Khalifa bin Hamad profite que son père, l’émir Ahmad bin Ali, soit parti chasser les faucons en Iran pour le destituer. Il coupe alors les dépenses de la famille royale et augmente les investissements dans les programmes sociaux, le logement, la santé, l’éducation et les retraites.

La grande aventure du gaz

Entre-temps, en 1971, Shell découvre sur la côte du Qatar le gisement offshore North Dome, le plus grand gisement de gaz naturel au monde. La production pétrolière étant encore à des sommets à l’époque, le gisement n’est pas exploré immédiatement.

Dans les années 80, la crise pétrolière fait plonger l’économie qatarie. En 1995, un coup d’Etat destitue l’émir Khalifa bin Hamad et c’est le Cheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani qui prend le pouvoir. L’une de ses premières mesures consiste à accélérer le développement du gisement North Dome. En décembre 1996, le Qatar fait sa première livraison de gaz liquéfié.

Au cours des quinze années qui vont suivre, quatorze usines de gaz liquéfié sont construites en partenariat avec des compagnies pétrolières occidentales. La péninsule diversifie de plus en plus ses clients. Le PIB du Qatar grimpe en flèche porté par la stabilité de sa production pétrolière et sa forte production de gaz naturel.

Le pouvoir de l’argent

Pour éviter une trop grande dépendance au secteur, le Qatar prend des mesures pour diversifier son économie. En 1998, le Qatar construit Education City, une zone proche de sa capitale, Doha, pour l’établissement de campus de plusieurs universités américaines, mais aussi quelques organisations locales d’éducation et de recherche.

Parallèlement, le Qatar crée en 2003 son fonds souverain le Qatar Investment Authority (QIA) pour recycler ses revenus du pétrole et du gaz. Le fonds procède à de gros investissements dans Barclays Bank, Credit Suisse, Harrods, Porsche, Volkswagen, et le PSG. QIA devient aussi un important propriétaire de biens immobiliers à Londres et à Paris.

Mais le Qatar ne se contente pas de déployer sa politique d’acquisitions à l’international. Le pays mobilise aussi toutes ses forces pour séduire les investisseurs étrangers et tenter de faire concurrence aux autres plates-formes financières du Golfe comme Dubaï en créant en 2005 la Qatar Financial Center Authority (QFCA). Basée à Doha, cette entité se concentre sur la promotion des activités de gestion d’actifs, de réassurance et de captives d’assurance dans la région.

La Coupe du Monde

En décembre 2010, le Qatar est officiellement désigné comme pays hôte pour la Coupe du Monde de football en 2022.

Mais très vite, des rumeurs font état de 5 millions de dollars de pots-de-vin versés pour obtenir cette désignation. Qui plus est, alors que pour lutter contre les températures extrêmes de la région, le Qatar promet d’installer la climatisation dans les stades, les conditions de travail des migrants venus construire les infrastructures sportives sont dénoncées. En septembre 2013, le quotidien britannique The Guardian révèle qu’au moins 44 ouvriers népalais sont décédés entre le 4 juin et le 8 août 2013.

Aujourd’hui, le Mondial pourrait être compromis par le boycott mis en place par les voisins du Qatar. Le pays pourrait en effet peiner à récolter les 200 milliards de dollars prévus pour préparer les infrastructures et subir des retards sur les chantiers, faute de matériaux. Il est aussi difficile d’imaginer le gouvernement saoudien, si son équipe est qualifiée (ce qui est potentiellement possible), acceptant d’envoyer ses joueurs au Qatar.

Le contre-choc pétrolier

Comme les autres monarchies du Golf, le Qatar a été frappé par le déclin mondial des prix du pétrole depuis 2014. Cependant, grâce à la diversification de son économie, le Qatar, dont le PIB par habitant figure parmi les plus élevés du monde, est parvenu à afficher des résultats économiques supérieurs à ceux de ses voisins. Après une croissance de 2,6% en 2016, le pays devrait, selon le FMI, connaître une hausse de son PIB de 3,4% cette année. Par ailleurs, le Qatar possédait jusqu’ici de larges réserves de devises étrangères qui l’aidaient à réduire son déficit budgétaire, attendu à 7,5 milliards d’euros en 2017.

La crise géopolitique

Le 5 juin dernier, l »Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Yémen et l’Egypte annoncent la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Ceux-ci veulent pousser le Qatar à capituler sur sa diplomatie jugée trop complaisante vis-à-vis des Frères musulmanset, surtout, de l’Iran, grand rival régional des monarchies arabes sunnites. Quitte à couper complètement du monde le payset de risquer d’affamer sa population.

Quelles conséquences sur le plan économique ? si les revenus que le Qatar tire du gaz et du pétrole semblent préservés, son secteur bancaire pourrait souffrir de cette tourmente, estime James Dorsey du S. Rajaratnam School of International Studies à Singapour. L’émirat dispose d’environ 350 milliards de dollars investis à l’étranger et « ses banques déjà en difficulté avec la baisse des réserves de trésorerie et des taux d’intérêt de plus en plus élevés pourraient être durement touchées si l’Arabie saoudite et les Émirats choisissent de retirer leurs dépôts ».

 

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