Mali: les partis politiques craignent pour leur survie

« Il se murmure, par des voix connues de tous, que le processus enclenché devrait avoir comme finalité de dissoudre ou à tout le moins de suspendre les activités des partis politiques. » C’est l’ancien ministre Oumar Ibrahima Touré qui lit la déclaration commune des 101 partis politiques maliens. À la fois inquiets et en colère, ces partis rappellent que la nouvelle Constitution adoptée en 2023 par les autorités de transition elles-mêmes garantit l’existence des partis politiques qui, selon l’article 39, « se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi ».
Demande d’un report des concertations
Les partis indiquent avoir sollicité une « audience urgente » avec le Premier ministre de transition, le général Abdoulaye Maïga, et « le report des concertations annoncées ». Ils assurent enfin que leur volonté est de renforcer « la stabilité et la réussite de la transition, dans le cadre du respect de la loi et des principes républicains ».
Le « Dialogue inter-Maliens » orchestré en mai 2024 par les autorités de transition avait recommandé la prolongation de la transition et l’élévation des colonels putschistes au grade de général. Parmi les recommandations figurait aussi le durcissement des conditions de création des partis politiques et la suppression de leur financement public. Les Assises nationales de la refondation de 2021 avaient déjà abouti à des conclusions similaires. C’est notamment cet historique déjà dense qui interroge la classe politique sur la pertinence et l’objectif réel de la nouvelle consultation des forces vives voulue par les autorités de transition.
Critères stricts
Le Mali compte aujourd’hui près de 300 partis, selon les chiffres cités par le journal d’État L’Essor, parmi lesquelles des formations historiques et représentatives, mais également des partis « fantômes » essentiellement en quête de subventions – ou récemment créées pour soutenir les autorités de transition.
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Les partis politiques de l’Ipac eux-mêmes ont fait leurs propositions, transmises aux autorités le mois dernier, pour limiter leur nombre, encadrer leur financement et restaurer l’image très écornée de la démocratie malienne, en utilisant des critères stricts comme la participation aux élections ou le nombre d’élus notamment. Les partis, qui réaffirment être pleinement engagés sur cette voie, souhaitent donc être associés au processus de réforme.
Le Mali a instauré le multipartisme en 1991, après le renversement de la dictature militaire du général Moussa Traoré. Des figures historiques de ce combat, toujours actives aujourd’hui dans le paysage politique malien, mais aussi de plus jeunes générations attachées aux principes fondateurs de la République malienne, s’inquiètent d’une possible remise en cause de cet acquis démocratique.
Il y a tout juste un an, les autorités maliennes de transition avaient suspendu pendant trois mois (entre avril et juillet 2024) les activités des partis politiques, invoquant des « raisons d’ordre public ».
Lors de cette conférence de presse, les partis politiques maliens ont par ailleurs également condamné la destruction par l’armée algérienne d’un drone de l’armée malienne à la frontière entre les deux pays au début du mois, réaffirmé leur « soutien » aux forces maliennes et appelé à une « désescalade » entre les deux pays « par le recours aux voies diplomatiques, au dialogue et, si nécessaire, à la justice internationale ».