L’échec de notre système pénal de répression et de réinsertion sociale

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La mort récente de deux détenus à Rebeuss, a remis au goût du jour la lancinante question des mandats de dépôt systématiques et des longues détentions provisoires.

Le débat, posé depuis de longues décennies, n’a jamais pu être réglé par aucun des Ministres de la Justice dans ce pays. Les prisons sont restées vétustes, insuffisantes, insalubres, inadaptées, sales et polluées. Pendant ce temps, les détenus sont de plus en plus nombreux, du fait justement de l’augmentation de la population, mais aussi du ratio de criminalité, mais surtout parce que nos textes sont vétustes. Les magistrats qui ne font qu’appliquer la loi, prononcent d’une façon quasi-systématique le mandat de dépôt. Parfois ils y sont même contraints, surtout en matière de détournement de derniers publics pour un montant de plus d’un million.

Les prisons regorgent d’une population carcérale disparate dans les Maisons d’arrêts et de Correction (MAC) et à Rebeuss.

De janvier à maintenant, nous avons enregistré quatre morts. Et les deux qui ont perdu la vie à Rebeuss ont poussé le Ministre de la Justice, Me Malick Sall, à promettre l’ouverture dans deux mois de la prison de Sébikotane et l’institution du bracelet  électronique, comme aux Etats-Unis, comme peine alternative ou de substitution.  Bonne nouvelle que celle-là.

Nous avons en effet besoin de plus de prisons adaptées à notre contexte, surtout climatique avec la chaleur.

Certes, la prison n’est pas un hôtel 5 étoiles, mais il y a un minimum de respect de la dignité humaine et surtout de garantie de la sécurité des détenus dans les lieux de privation des libertés.

Le Sénégal a certes mis en place des institutions comme celle qui s’occupe des lieux de privation de liberté, mais cela ne suffit pas. Car,  à y regarder de près, on peut noter que rien n’a pratiquement changé. Les conditions de vie dans les prisons sont intenables par des détenus qui sont entassées dans des chambres trop étroites pour leur nombre.

Les assurances du Ministre sont certes claires, mais on ne peut pas s’empêcher de se demander s’il va réussir là où les autres ont échoué ? Car les différents Ministres de la Justice qui se sont succédé ont eu à faire des promesses dans ce sens, en vain.

Or, en la matière, nous ne pouvons pas tolérer une communication taillée sur mesure, destinée juste à apaiser les esprits. Il faut des actes clairs. Et cela n’aura jamais abouti si les mesures idoines ne sont pas prises, y compris dans le fait de procéder au toilettage du code pénal et  du code de procédure pénale, à une meilleure formation des forces de défense et de sécurité et des magistrats.

C’est tout le système de répression judiciaire qu’il faut revoir après une évaluation exhaustive depuis que le Sénégal  a fait de la resocialisation du délinquant, le talon d’Achille de sa politique pénitentiaire. Nous avons le sentiment que c’est un échec total. Non seulement les récidivistes sont très nombreux, mais la prison exerce une mauvaise influence sur des détenus qui, une fois dehors, deviennent plus préoccupants pour la société.

C’est dire que nous attendons de nos autorités non pas de réagir par émotion, mais de s’inscrire dans une dynamique de transformation profonde de tout le système de répression criminelle, de resocialisation du délinquant.

Mieux, rien ne vaut la prévention en la matière. Et, à ce propos, nous devons pouvoir cibler les milieux les plus criminogènes, comme la banlieue de Dakar pour les agressions et autres, Mbour pour la délinquance sexuelle, le Fouta pour le vol de bétail, etc. et travailler à prendre les mesures idoines de lutte contre la marginalisation.
Comme quoi, nous attendons des autorités et de la société civile, sans oublier les médias, de travailler davantage à la prise en compte de la délinquance dans une société en transformation et qui aspire au développement.

Au lieu de reculer, la délinquance avance avec de nouvelles formes, comme les braquages en pleine journée et l’attaque de forces de défense et de sécurité.

C’est la preuve de l’échec de notre politique de répression et de réinsertion sociale.

 

Assane SAMB

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