Le monde s’effondre sur Cheikh Béthio

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On le savait exposé, on le sait maintenant troué pour 10 ans… «Béthio» écope de 10 ans de travaux forcés, ses biens placés sous séquestre. Dame Justice n’a pas fait d’état d’âme sur l’état de nudité du personnage. Même si l’homme selon son avocat Me Ousmane Sèye a déjà perdu 10 kilos. Mais Béthio a perdu plus que du poids. Il a perdu le respect de son homonyme Béthio Sow qui n’a de cesse de clamer partout qu’il ne veut plus porter le nom de Béthio Thioune «l’assassin de son père». Son image déjà ternie au sein de l’opinion s’est dégradée davantage avec ce procès qui a incendié les derniers vestiges de respect qui lui restaient encore. Son aura s’est effritée, ses phrasés ne font plus rire, ses danses ne sont plus endiablées ou n’enchantent plus grand monde…En le condamnant, la chambre correctionnelle de Mbour a signé l’arrêt de mort de ses « Thiants » festifs et populaires. Et tutti quanti…

De visu et in vivo, Cheikh Béthio Thioune, le chef des «Thiantacônes», a l’envergure pateline des bons vivants, alliée avec le phrasé mielleux des gourous. Béthio, raconteur d’histoires, est en train d’écrire, les dernières phrases de son histoire avec le mouvement des «Thiantacônes». Ses derniers instants d’impunité, diraient ses millions de détracteurs. Le très singulier Béthio, aujourd’hui condamné pour une histoire de meurtre de deux de ses disciples. Il y a peu, c’était du domaine de l’impensable pour le sexagénaire au discours extravagant qui a …sept (7) épouses et s’autoproclame… «Serigne Saliou».

Physique rondouillard, voix caverneuse, cet homme de 79 ans, né officiellement en 1940, à Keur Samba Laobé, près de Mbour où ironie du sort, Béthio Thioune a été arrêté par les éléments de la gendarmerie. Parler de la trajectoire atypique de Cheikh Béthio Thioune revient à convoquer le rituel païen au service du syncrétisme religieux. Le Cheikh qui revendique un héritage spirituel du cinquième Khalife de la communauté mouride, est un épulon opposé à l’extrême à son guide, le vénéré Feu Serigne Saliou Mbacké. Autant le fils de Bamba est secret dans toutes ses dimensions, autant le Cheikh des «Thiantacônes» se complaît dans des excès qui nourrissent sa sulfureuse odyssée.

Béthio, le « contraire » de Serigne Saliou Mbacké

Quand Serigne Saliou est un saint, modèle de vertu, de simplicité et de piété, Béthio, lui, adore exubérance, démagogie, ambiance festive dans ses manifestations religieuses. L’on s’étonne souvent que cet homme qui ne se vêt que de boubous traditionnels ait été l’un des premiers administrateurs civils, l’un des premiers Sénégalais à réussir le concours très sélect de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam). L’homme connaît les rouages de l’Administration pour avoir servi dans des localités comme Kaolack, Diourbel … Où il a laissé une réputation de saltimbanque, mais aussi d’un cadre excentrique, quoique rompu aux tâches administratives. C’est au cours de ses pérégrinations qu’il rencontra, un 17 avril, selon lui, Serigne Saliou Mbacké, fils du fondateur des mourides, Cheikh Ahmadou Bamba. Une rencontre qui va chambouler sa vie. Et donner une bifurcation singulière à son destin.

En 1987, Serigne Saliou Mbacké le hisse au rang de Cheikh (autorité religieuse de haut rang dans le clergé mouride). Et c’est sous le khalifat de son marabout que Béthio Thioune atteint la plénitude du titre de Cheikh. On lui attribue des parcelles importantes de terre à Touba, dans le quartier Dianatoul Mahwa, où il organise ses actions de grâces communément appelées «Thiant». Ses disciples viennent de tous les horizons, de toutes les catégories sociales pour assister à ses soirées de grâces où aucun excès n’est de trop pour satisfaire son bon vouloir. Un Cheikh, dont les discours jugés parfois excessifs, accompagnés de sons de tam-tam, agrémentent les soirées «Thiant» et où la ripaille et la bombance sont courues des couches les plus défavorisées.

Il y a chez Béthio Thioune, une gouaille d’évangéliste repu et de prêcheur invétéré d’une certaine pensée de l’Islam. Ne dit-il pas qu’il ne maîtrise rien du Coran ? N’organise-t-il pas des séances collectives de mariage où il se contente de citer sept fois le nom de Serigne Saliou pour unir ses disciples pour le meilleur et pour le pire ? Ne se laisse-t-il pas qualifier de «Yalla (Dieu)» par les «fous de Béthio» ? Béthio, spécialiste du «doukatt», est unique. Dans sa façon de faire et de dire.

Sous son physique imposant, il donne l’image d’un homme dont l’armure se craquelle rarement. Pourtant, au milieu de l’année 2009, un accident cardio-vasculaire (Avc) terrasse le guide des «Thiantacônes», suscitant inquiétudes et désarroi auprès de ses disciples dont certains sont des cadres supérieurs. Après de longs mois de convalescence en France, Béthio rentre triomphalement au pays. Au cours d’une de ses premières sorties, Cheikh Béthio Thioune rompt le silence sur sa maladie. «Je me suis absenté du Sénégal pendant plus d’une année pour raison de maladie qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. J’avais le cancer. C’est par la grâce de Serigne Saliou Mbacké que je suis guéri», expliquait-il, très en verve. L’homme, qui se vante de ses millions de disciples, n’est plus en odeur de sainteté avec le saint des saints de Touba. Quand le sixième khalife de Bamba, Serigne Bara Mbacké, accède au khalifat, Béthio fait traîner les pieds pour faire son acte d’allégeance…Touba ne lui pardonne pas encore le «sacrilège». Prenant quelque peu ses distances avec la ville sainte qu’il n’investit que pendant le Magal, le guide des «Thiantacônes» se contente de massifier ses talibés, à son domicile dakarois de Mermoz. Ou à Médinatoul Salam, son lieu de retraite de Mbour.

Dragué par les politiques, plutôt par l’ancien Président Wade, Béthio revendique un poids électoral et un profil de grand électeur. «Moyennant espèces sonnantes et trébuchantes», accusent ses contempteurs. A l’occasion de la Présidentielle 2007 pour laquelle il soutenait Wade, ses disciples s’attaquent au convoi du candidat Idrissa Seck. Des blessés graves sont dénombrés, mais l’enquête restera à l’état de principe. Au soir du scrutin, Béthio se targue même d’avoir élu Me Abdoulaye Wade, au premier tour. Puis s’en suit une brouille entre les deux. En 2012, présidentielle oblige, Béthio et Wade se rabibochent. Le guide arme ses disciples de gourdins et promet de réélire triomphalement le Président sortant, «sur injonction de Serigne Saliou», allègue-t-il. La suite sera une longue série d’échecs et de mésaventures, jusqu’à sa condmanation, pour complicité de meurtre et actes de barbarie. Un péché de trop ? Comme un signe du destin alors que les musulmans commencent un mois de pénitence. De repentance aussi…

Mor Talla GAYE IGFM

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