Forum de Dakar:«Dans la lutte contre le terrorisme, les progrès sont lents»
Le Sénégal accueille du 13 au 14 novembre la 4e édition du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, devenue selon ses organisateurs « un rendez-vous annuel incontournable » des politiques, des experts, des militaires et chercheurs du monde entier. Retour sur les objectifs de la rencontre et ses thématiques avec Hugo Sada, spécialiste de l’Afrique et conseiller auprès des organisateurs du Forum.
Hugo Sada : Ce ne sont pas des défis nouveaux en soi. Depuis la première édition du Forum de Dakar en 2014, nous parlons encore et toujours du terrorisme islamiste, qui constitue la nouvelle donne stratégique en Afrique depuis la fin de la guerre froide. On connaît les trois foyers du terrorisme que sont Boko Haram au nord-est du Nigeria, l’Aqmi au Sahara et au Sahel et les milices shebabs en Somalie. Le problème pour ceux qui le combattent, c’est la capacité d’adaptation de ces groupes qui sont, pour l’essentiel, non-étatiques et ont partie liée à toutes sortes de trafics illicites, à des réseaux criminels organisés et autres menaces nouvelles telles que la piraterie. En face, les Etats ont du mal à mettre en place des réponses adaptées à la complexité des menaces. Ils connaissent de gros déficits de capacités, d’équipement et de formation. Il faudrait que les réponses soient collectives, impliquant des sous-régions, voire même l’Union africaine (UA), mais dans ce domaine les progrès sont très lents.
Le combat est donc perdu d’avance ?
Non, à condition d’aider les pays à mettre en place des réponses à la hauteur des enjeux. Ces réponses, on les connaît. Il y a d’une part la prévention ou la lutte contre la radicalisation. D’autre part, il y a le volet sécuritaire qui implique des moyens très importants. Il faut des moyens de surveillance, donc des drones, des outils de renseignement, des capacités terrestres pour effectuer des patrouilles frontalières. Seuls, les Etats africains ne peuvent pas mobiliser ces moyens et ont besoin de la communauté internationale pour les aider financièrement à les mettre en œuvre rapidement. Le Forum se penchera sur ces grands débats en cours : les réformes engagées par l’Union africaine et les Communautés économiques régionales, les perspectives nouvelles des opérations de maintien de la paix, l’évolution des partenariats avec l’Union européenne (UE) et les défis des réformes des systèmes de sécurité.
Outre les organisations multilatérales, la France et les Etats-Unis semblent être les principaux acteurs étrangers présents sur le terrain. Leurs approches sont toutefois très différentes.
Les Etats-Unis sont présents sur le terrain avec des objectifs très précis, axés exclusivement sur l’élimination des terroristes. La France a une approche plus globale et plus ouverte. Cela n’empêche pas concertations et échanges de renseignements entre les deux armées. Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, des points de divergence ont fait jour entre les deux administrations. Par exemple, sur la question de la constitution de la force conjointe du G5 Sahel, les Américains sont sceptiques et ont refusé l’engagement des Nations unies pour le financement de la force en question.
La France a, elle aussi, changé de personnel politique. Le président Macron a certes confirmé lors de la conférence des ambassadeurs que la lutte contre le terrorisme islamiste continue d’être la première priorité de la France. Pour autant, diriez-vous que la perception française de la question de la sécurité en Afrique est restée inchangée ?
Je dirais que la perception de la menace reste constante. L’engagement d’Emmanuel Macron est très fort et très dynamique, s’agissant de la question de la paix et de la sécurité en Afrique. Depuis son élection il y a six mois, il y a eu deux visites au Mali, le plaidoyer aux Nations unies demandant à la communauté internationale de soutenir la force conjointe du G5 Sahel et, last but not least, la remobilisation en France sur les questions sécuritaires africaines. Ce n’est pas rien.
Vous étiez déjà aux manettes lors de la tenue du premier Forum en 2014. Quel bilan faites-vous des dernières éditions en terme de notoriété et d’intérêt suscités ?
Le premier Forum avait été organisé à partir de rien. Il était déjà très prometteur. Les deuxième et troisième éditions ont montré une très nette progression en matière de participation, mais aussi en termes de l’intensité des débats et des rencontres informelles. Nous avons compté l’année dernière près de 900 participants. Cette année, les organisateurs ont pu constater la notoriété du Forum par le nombre en croissance de demandes nouvelles en provenance des pays qui étaient peu représentés jusqu’ici.